Question d’André Chassaigne adressée au Premier ministre le mardi 5 novembre 2024 sur les plans de licenciements et fermetures de sites chez Michelin et Auchan

Plans de licenciements et fermetures de sites chez Michelin et Auchan

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Michelin a annoncé la fermeture des usines de Cholet et de Vannes, supprimant 1 254 postes, quand Auchan annonçait un large plan social, détruisant 2 389 emplois. Ces annonces mettent à mal la fable que colportent à l’envi les différents gouvernements du président Macron. Non, la politique de l’offre, caractérisée par des cadeaux phénoménaux aux entreprises et aux plus riches, n’a pas permis de créer une dynamique de croissance et de réduire le chômage. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
Auchan et ses 33 milliards d’euros de chiffre d’affaires a déjà supprimé 2 000 emplois en 2020, tout en touchant 500 millions d’euros de crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Son propriétaire, la famille Mulliez, qui a multiplié sa fortune par quatre en vingt-cinq ans, annonce à présent la fermeture de dizaine de magasins, comme celui de Clermont-Ferrand et ses plus de 200 emplois. Michelin, qui a versé, en 2024, 1,4 milliard d’euros à ses actionnaires, a touché, lui aussi, des dizaines de millions d’euros d’aides publiques. À quoi ont-elles servi, sinon à détruire l’emploi sur le territoire national ?

La prétendue lutte contre le risque d’effacement industriel se fracasse contre le mur du réel : pas une semaine ne se passe sans l’annonce de plans de licenciement dans l’industrie et le commerce, tandis que la précarité se développe. Votre ministre chargé de l’industrie affirme que sa stratégie marche sur deux jambes : protéger l’existant et encourager l’investissement. Mais la vérité, c’est que la valeur ajoutée de la production manufacturière est aujourd’hui inférieure de 2 % à son niveau de 2017, avec une production en recul de 0,2 % chaque année.

Monsieur le Premier ministre, en cette journée noire pour l’emploi, allez-vous encore dire aux milliers de familles touchées que vous êtes fier de cette politique qui distribue des milliers d’aides aux entreprises sans jamais protéger les salariés ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Michel Barnier, Premier ministre. Non, je ne suis pas fier d’une politique qui détruit des emplois – jamais. Vous le savez, j’ai été élu dans une vallée industrielle – la Tarentaise – et j’ai vécu le drame que vivent aujourd’hui à Vannes et à Cholet les salariés de Michelin et ceux d’Auchan. J’ai vécu la fermeture d’usines et la catastrophe que cela représente pour la région, le tissu industriel mais aussi pour les hommes et les femmes, fiers de leur travail, un travail bien fait – Mme Karamanli a évoqué le savoir-faire de ces ouvriers. Je ne suis pas fier, si vous aviez raison, de ce résultat ; vous ne me trouverez jamais dans cet état d’esprit.

La capacité de production de notre pays soulève une question très importante, qu’il s’agisse des agriculteurs, des usines ou des artisans. Cette question préoccupe légitimement l’Assemblée nationale : j’ai entendu tour à tour Stella Dupont, Charles Fournier, Marietta Karamanli, Anne Le Hénanff et, à l’instant, Hervé de Lépinau évoquer la souveraineté industrielle. Je vous ai tous écoutés ; il n’y a pas forcément de bonne réponse. Je souhaiterais simplement rappeler quelques éléments de contexte – qui ne sont pas des éléments de justification, seulement d’explication.

Le groupe Michelin est un grand groupe, ancré dans les territoires, d’abord à Clermont-Ferrand. Ce groupe s’est toujours honoré en accompagnant la reconversion, la formation – notamment à Clermont-Ferrand – et en se montrant attentif aux gens, au tissu local. Il l’a prouvé lors de précédentes difficultés industrielles, à Joué-lès-Tours et à La Roche-sur-Yon. Il a même rapatrié récemment certaines activités d’Allemagne sur le territoire national. Nous avons donc affaire à un groupe responsable. J’ai rencontré son président, M. Menegaux, il y a quelques jours. Je suis naturellement en désaccord avec sa décision, qui touche Cholet et Vannes, et, comme vous, je la regrette.

Je souhaite simplement indiquer, à la suite des propos du ministre Ferracci – que je soutiens et que je soutiendrai dans son travail stratégique –, que nous saurons nous montrer solidaires, en exigeant du groupe Michelin comme du groupe Auchan, de travailler avec le tissu local, les élus locaux – dont beaucoup d’entre vous –, les syndicats, le patronat local, les chambres de commerce et d’industrie, et de déployer tous les outils à disposition pour accompagner individuellement chaque salarié et les territoires concernés dans les différentes reconversions possibles. Cela a été fait ailleurs, cela doit être fait ici, afin que l’expertise et la richesse humaines ne soient pas perdues ou laissées de côté.

Sur le plan offensif, nous devons créer ou recréer de l’emploi industriel, et maintenir l’emploi agricole dans notre pays. C’est l’objet des crédits que nous affectons, dans le budget, au plan France 2030 et des soutiens que nous apporterons à certaines entreprises. Je tiens d’ailleurs à vous dire que je me préoccupe de savoir ce qu’on a fait, dans ces groupes, de l’argent public qui leur a été donné ; je veux le savoir. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, SOC et GDR.) Nous poserons des questions, nous verrons si cet argent a été bien ou mal utilisé, et nous en tirerons des leçons.

M. Thibault Bazin. Il a raison !

M. Michel Barnier, Premier ministre. L’offensive doit aussi se déployer à l’échelle nationale au travers de plusieurs initiatives : nous proposerons notamment de créer début 2025 un livret d’épargne industrielle, pour encourager l’épargne des Français à s’orienter l’industrie. Des réponses doivent également être apportées à l’échelle européenne : il s’agit notamment de nous montrer moins naïfs que nous ne l’avons été par le passé et d’appliquer certaines mesures avec plus d’étalement.
Il faut reconnaître – sans pour autant excuser personne – que le secteur automobile fait face à des difficultés particulièrement graves, pas seulement en France : il doit affronter des transitions technologiques – y compris s’agissant des pneus –, la concurrence pas toujours loyale de grands pays étrangers, et les exigences de la décarbonation. De tels défis affectent nécessairement un secteur industriel.
Vous pouvez être sûr, monsieur Chassaigne – raison pour laquelle je tenais à vous répondre à la suite du ministre chargé de l’industrie – que préserver ou reconstruire le tissu industriel et agricole de la France constituera, à vos côtés, si vous le voulez bien, une des priorités absolues du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR, plusieurs bancs des groupes EPR, Dem et LIOT et quelques bancs du groupe UDR.)

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