M. André Chassaigne. Je veux d’abord remercier le rapporteur pour son rapport et sa constance en matière de protection des consommateurs et de sécurité de l’alimentation.
Comme vous, je considère que l’Union européenne doit se doter d’une véritable politique alimentaire commune. Ce doit être une priorité politique, et, bien évidemment, cette politique devrait non seulement disposer de moyens financiers à la hauteur de l’enjeu et d’outils réglementaires et politiques efficaces, comme un système d’étiquetage nutritionnel harmonisé et généralisé, des outils fiscaux dissuasifs en matière de transformation pour favoriser les productions européennes de qualité et les produits frais et bruts, pour l’éducation à l’alimentation et le soutien alimentaire aux plus modestes.
Je ferai trois remarques sur ces sujets qui sont soulevés dans le rapport :
– la première, c’est que nous avons besoin d’une vraie analyse, à l’échelle européenne, de la dégradation de la qualité nutritionnelle (et organoleptique) de l’alimentation des européens ces dernières décennies. Ce constat partagé est indispensable si l’on veut correctement prendre la mesure de la crise alimentaire qui touche déjà des dizaines de millions d’Européens. Je parle bien sûr des 17 % d’habitants de l’UE, soit environ 90 millions de personnes, qui vivent sous le seuil de pauvreté, et sont en situation d’insécurité alimentaire permanente et qui, pour beaucoup font appel à l’aide alimentaire. Mais je parle aussi des dizaines de millions d’Européens, qui, ces dernières années ont été contraints par manque de revenus et de pouvoir d’achat, d’ajuster leur budget alimentaire, avec, on le sait, systématiquement une baisse de la qualité des produits, une hausse de la consommation d’aliments transformés ou ultra-transformés, un recul de la consommation de produits frais et de fruits et légumes. Monsieur Ramos, je suis disponible pour porter cette analyse avec vous, car c’est urgent.
– la deuxième, qui fait l’objet du cœur de votre rapport, c’est la bataille qu’il faut mener contre l’ultratransformation des produits, qui non seulement dégrade la qualité nutritionnelle globale de l’alimentation européenne, mais qui, par les stratégies de marges et de rentabilité financière des grands groupes industriels, dégrade le pouvoir d’achat des ménages, accentue la pression sur les producteurs agricoles européens dont la part lié au produit dans la chaîne de valeur est toujours plus bas, et conduit à appuyer sur l’accélérateur des importations extra-communautaires de produits agricoles qui intègrent beaucoup d’autant plus facilement le panier du consommateur que lorsqu’il se cache dans un plat transformé dont personne ne connaît l’origine des ingrédients. Je cite souvent les fameux plats préparés dont les légumes ou le poulet est très largement issue d’importation, avec leur cortège d’additifs et d’exhausteurs de goût… Ce combat est prioritaire avec l’étiquetage nutritionnel et l’obligation de mention de l’origine de tous les produits à l’état brut et transformé que nous défendons depuis longtemps.
– troisième remarque, celle de la mise d’un chèque alimentaire. Je crois que c’est aussi une urgence aujourd’hui au regard de la dégradation du pouvoir d’achat d’une grande partie de nos concitoyens. Nous sommes aujourd’hui dans une situation qui est dramatique pour les ménages, et pour les producteurs notamment de produits bio et sous signe de qualité et d’origine, dont la consommation s’est effondrée. Nous pouvons construire un système de chèque alimentation vertueux rapidement, avec un conventionnement prioritaire vers des produits français bruts, frais, sous SIQO, bio ou locaux. Mais cela nécessite un engagement budgétaire qu’il ne faut pas laisser sous le coude. Nous avons proposé lors de la campagne présidentielle l’instauration d’un Fonds alimentaire national doté de 10 milliards d’euros, à défaut d’un grand Fonds européen. C’est aussi une priorité, qui pourrait d’ailleurs être abondé par une fiscalité nutritionnelle efficace.
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