État des lieux des plans stratégiques nationaux en matière agricole : communication de M. André CHASSAIGNE et Mme Nicole LE PEIH

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COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 18 décembre 2024

Présidence de M. Pieyre-Alexandre Anglade, Président de la Commission,
 

La séance est ouverte à 15 heures 05.

I. Etat des lieux des plans stratégiques nationaux en matière agricole : communication de M. André CHASSAIGNE et Mme Nicole LE PEIH

M. le président Pieyre-Alexandre AngladeJe tiens, en notre nom à toutes et à tous, à adresser un message de soutien à nos compatriotes Mahoraises et Mahorais. Toutes nos pensées se tournent vers les victimes, les blessés ainsi que vers les services de l’État mobilisés pour leur venir en aide. Il importe d’exprimer cette solidarité au nom de chaque commission de l’Assemblée nationale. Dans cette tragédie, la France n’est pas seule puisque notre État a activé le mécanisme européen de protection civile témoignant de l’engagement solidaire de nos partenaires européens.

Nous en venons maintenant aux travaux d’André Chassaigne et Nicole Le Peih qui vont présenter leur communication sur l’état des lieux des plans stratégiques nationaux (PSN) en matière agricole, un travail entamé sous la précédente législature et que la dissolution a empêché d’aboutir. Je tiens à vous dire à quel point ce travail, très dense, est absolument remarquable. Il permet, au-delà d’une analyse comparative entre les différents PSN des États membres, de présenter un document de réflexion extrêmement poussé sur les récentes réformes de la PAC et ses scénarios d’évolution.

M. André Chassaigne, rapporteurIl s’agit d’un rapport d’étape, la dissolution ayant interrompu nos travaux. Toutefois, ce rapport contient un nombre d’éléments conséquents. Pour le qualifier, je ferai mien les mots de René Char : « l’inaccompli bourdonne de l’essentiel » !

La crise agricole est toujours vive, les agricultrices et les agriculteurs, toujours plus en colère, toujours plus désespérés de ne pas pouvoir vivre du fruit de leur labeur. Cette crise n’est pas seulement française, elle est européenne. Un climat de méfiance s’est installé entre l’Union européenne et les agriculteurs, je dirai même un climat de défiance entre l’Union européenne et les travailleuses et travailleurs de la terre.

N’oublions pas que la politique agricole commune (PAC), qui a fait de l’Union européenne la première puissance agricole mondiale, ne permet plus aujourd’hui aux agricultrices et aux agriculteurs de vivre décemment du produit de la terre.

En réponse, le nouveau commissaire, M. Christophe Hansen, vient d’annoncer vouloir établir, d’ici cent jours, dans une nouvelle feuille de route, sa vision de l’Agriculture et de l’Alimentation. Autrement dit, la nouvelle PAC, accouchée dans la douleur, est encore quasiment sur les fronts baptismaux – les plans stratégiques nationaux (PSN) sont entrés en vigueur le 1er janvier 2023 – que la Commission propose déjà de la réformer. Après à peine un an de mise en œuvre, la réponse apportée par la Commission peut se résumer en ce seul mot : réformons ! Réformons oui, mais réformons vite ! Cent jours, c’est long ! Le temps presse pour répondre au désarroi de millions d’agriculteurs européens dénonçant une PAC non conforme à leurs attentes, une PAC ne les nourrissant plus, au sens propre comme au figuré. N’oublions pas que 23 % des agriculteurs français, 30 % en Europe, renoncent à demander les aides de la PAC pour éviter la pression des contrôles, un surcroît de complexité ainsi qu’un excès de contraintes.

Alors, réformons oui, mais comment ?

Cette communication que je présente avec Nicole Le Peih est le fruit d’un long cycle d’auditions, mené sous la précédente législature, entre avril 2023 et juin 2024. Nous avons effectué plus d’une quarantaine d’auditions ainsi que quatre déplacements, à Bruxelles, en Italie, en Espagne et dans le Puy-de-Dôme, pour analyser au plus près du terrain la mise en œuvre des plans stratégiques nationaux. Nous avons choisi de conduire une étude comparative générale des 28 PSN (la Belgique a présenté deux plans stratégiques) présentés par les 27 États membres. Plus précisément, l’analyse a porté sur trois d’entre eux, l’Italie, l’Espagne et la France, afin d’évaluer les forces et les faiblesses de leurs modèles agricoles à travers un double prisme, celui de l’ambition environnementale et du renouvellement des générations.

Cette approche a également permis d’étudier la répartition du financement des aides entre les deux piliers de la PAC. Le financement communautaire du premier pilier conditionne 25 % de la distribution des aides directes au revenu à la création d’éco-régimes, engagements environnementaux volontaires se substituant au « paiement vert ». Quant à l’aide à l’installation pour les jeunes agriculteurs, elle dépend du second pilier, dont le financement est partagé entre États membres et Union européenne.

Cette communication propose donc une analyse et un bilan critiques des plans stratégiques nationaux (PSN) en matière agricole, novation de la nouvelle PAC pour l’exercice budgétaire 2023-2027.

Nicole Le Peih et moi-même avons eu, lors de la conduite de ce travail, au-delà de nos divergences politiques, une boussole et un engagement communs : œuvrer pour une PAC respectueuse du niveau de vie des agriculteurs et de l’environnement, les deux étant intrinsèquement liés. Lors de l’antépénultième législature, en 2018 – vous n’ignorez pas l’ancienneté de mon engagement pour les questions agricoles – j’ai été à l’initiative l’une proposition de résolution européenne relative à la nouvelle PAC. Je dénonçais les risques d’une PAC à la carte, ou le « C » symbolisant le « commun » s’effacerait à la lisière des États membres parce que le terme de solidarité serait devenu un vain mot. Dit autrement, la nouvelle PAC ne serait plus qu’enchevêtrement de contraintes, de régulations plus absconses les unes que les autres, sans enveloppe financière et volonté politique à la hauteur pour permettre une véritable politique commune.

Ce cauchemar éveillé semble bien avoir pris forme : les plans stratégiques nationaux ont pu, parfois, se transformer en monstre technocratique. En effet, les PSN doivent respecter 11 ERMG et 9 BCAE, acronymes barbares pour désigner le respect d’exigences réglementaires en matière de gestion (ERMG) et de normes relatives aux bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE).

Dans ce rapport d’étape nous formulons vingt propositions pour préfigurer une nouvelle PAC, une PAC à visage humain, sachant répondre aux attentes des femmes et des hommes de la terre, en leur offrant, pour commencer, des revenus décents.

Un bref historique des réformes de la PAC met en exergue un double mouvement. D’une part, on observe une baisse continue de l’enveloppe financière dédiée à la PAC, corrélée à des exigences environnementales de plus en plus fortes. D’autre part, apparaît un désengagement de plus en plus grand de la Commission au profit d’une compétence financière partagée avec les États membres. Lors de l’adoption du cadre financier, « Agenda 2000 », en 1999, la création du second pilier de la PAC a marqué le point d’orgue de cette évolution. Fondée sur la solidarité financière entre États membres, la préférence communautaire ainsi que la stabilité des prix, la PAC a ainsi pu donner à l’Europe une agriculture suffisamment compétitive pour en faire la première puissance agricole mondiale.

Toutefois, à partir de 1999, les exigences environnementales sont devenues un élément clé de la discussion budgétaire, une forme de chantage au financement de cette politique commune. Si les exigences environnementales sont légitimes – elles le sont évidemment – elles ne peuvent l’être au détriment d’un revenu agricole décent. Les travailleuses et les travailleurs de la terre ne peuvent être les seuls à prendre des engagements risqués, ils doivent retrouver leur place légitime dans la chaîne de valeur.

J’énonce quelques chiffres pour preuve du désengagement financier des États membres en faveur des dépenses de la PAC. En 1981 – une année à célébrer ! –  les dépenses de la PAC correspondent à 65,5 % du budget de l’Union européenne. En 2022, elles ne représentent plus que 23,5 %. Rapportées au produit intérieur (PIB) de l’Union européenne, en 1990, les dépenses totales de la PAC représentent 0,54 % du PIB. En 2022, elles ne représentent plus que 0,36 %.

Cette désolidarisation financière s’accompagne d’une subsidiarité de plus en plus marquée, non sans dangers pour la sécurité alimentaire européenne : un risque de concurrence accrue entre États membres pouvant amener à des formes de « dumping social ou environnemental ». Préférer la subsidiarité à la solidarité communautaire ne peut conduire, sans leviers financiers dédiés, ni à une transition agro-écologique ambitieuse ni à assurer une sécurité alimentaire pérenne.

Le PSN, novation de la nouvelle PAC, est un document de planification stratégique pour cinq ans, établi par chaque État membre et validé par la Commission. Les PSN introduisent un pilotage par le résultat. Chaque année, les États membres doivent publier un rapport d’évaluation pour démontrer que les moyens alloués aux douze objectifs définis dans le règlement 2021/2115 relatif aux plans stratégiques relevant de la PAC, dit règlement « PSN », ont bien été respectés. Outre un renforcement des exigences réglementaires et environnementales, le respect d’une conditionnalité sociale devra être mis en œuvre au plus tard le 1er janvier 2025.

Les PSN créent également une nouveauté : les éco-régimes. Les éco-régimes correspondent à une aide supplémentaire au revenu sur la base d’un engagement volontaire des agricultrices et des agriculteurs en matière environnementale. Ils doivent représenter au moins 25 % des aides du premier pilier sauf à opérer un transfert plus important du premier pilier vers le second.

Le non-respect des exigences environnementales renforcées contenues dans le règlement PSN n’est pas sans conséquences financières. Le montant de la sanction peut être égal ou supérieur à 3 % du montant des aides directes, en fonction de la durée et de la gravité du manquement. La sanction peut donc être perçue comme un éventuel manque à gagner.

L’analyse comparée des PSN met en exergue les difficultés à porter une ambition commune alors que la réalité est si diverse. Comment éviter toute forme de dumping social ou environnemental entre États membres alors que les échanges intra-communautaires sont relativement élevés ? Comment ne pas tenir compte de la pression à la baisse exercée sur les prix par les accords commerciaux avec les pays tiers si le revenu des agriculteurs n’est pas soutenu par les pouvoirs publics à un niveau équivalent ? Comment conserver une Europe agricole puissante et respectueuse de l’environnement dans un contexte concurrentiel entre États membres ?

La présente communication analyse les divergences d’approche entre États membres et leurs conséquences. Malgré une volonté d’unification portée par le règlement PSN, les critères d’application des différentes notions par les États membres sont hétérogènes. Pour la France et la Belgique,  la définition de l’« agriculteur actif » n’inclue ni les pensionnés ni ceux ne cotisant pas à la mutuelle sociale agricole (MSA) avec pour corollaire d’exclure de la programmation 2023-2027 des agriculteurs précédemment éligibles.

Concernant les éco‑régimes, la France, l’Italie et l’Espagne ont eu une approche libérale en choisissant de soutenir le revenu de leurs agriculteurs. L’Allemagne a préféré une approche restrictive, rejetée par les agriculteurs.

Les choix opérés en termes de gouvernance, de taux de transfert entre piliers divergent également, conduisant à encore plus d’hétérogénéité.

L’analyse des critères pour déterminer la mise en œuvre de l’aide à l’installation aux jeunes agriculteurs est à ce titre emblématique : autant de règles divergentes par États membres, par régions malgré les critères communs du règlement et une volonté de transposition harmonisée au niveau national. Cette diversité de situations génère de la complexité avec pour corollaire une augmentation des contrôles.

La réforme de la PAC que nous soutenons repose sur trois piliers. Tout d’abord, il importe de rétablir une architecture commune grâce à une solidarité financière ambitieuse, en simplifiant les règles d’attribution des crédits. Ensuite, il apparaît nécessaire de décorréler l’ambition environnementale du soutien au revenu des agriculteurs. Enfin, la PAC doit être pensée comme une politique globale pour que les agriculteurs retrouvent leur place au sein de la chaîne de valeur agro-alimentaire.

Ma collègue Nicole Le Peih va préciser nos analyses et nos propositions.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Je partage les analyses et conclusions du président Chassaigne sur le constat et sur la nécessité d’apporter une réponse, à l’échelle de l’Union européenne, pour corriger les défauts de la PAC. Lors de nos différents déplacements, nous avons fait le constat que les PSN sont devenus les boucs émissaires de la crise agricole car ne répondant pas à l’une des principales revendications des agriculteurs : obtenir un revenu décent. La pierre d’achoppement, l’obstacle, n’est pas l’ambition environnementale des PSN même si les premiers gestes d’apaisement de la Commission pour calmer la colère agricole ont été de la réduire, mais bien la question du revenu agricole.

 Soyons clairs, le monde agricole, dans sa grande majorité est parfaitement conscient de la nécessité de porter une ambition environnementale pour lutter contre l’usure des sols et le changement climatique. L’analyse de la Commission, Les Facteurs de la sécurité alimentaire, est limpide.

Sans ambition environnementale marquée, l’épuisement des sols, la disparition de la biodiversité et des insectes pollinisateurs, l’assèchement des ressources hydriques conduiront à une décroissance inéluctable de la production, soit un réel danger pour notre sécurité alimentaire.

Qui mieux que les agricultrices et les agriculteurs pour être conscients de ces menaces ? Qui mieux que les agricultrices et les agriculteurs pour mesurer la nécessité de protéger leur outil de production ?

L’ambition environnementale portée à l’échelle européenne ne se questionne donc pas. Ce qui se questionne, en revanche, c’est la manière de la mettre en œuvre.

En opposant revenu agricole et exigences environnementales, ou tout au moins, en ne levant pas cette ambiguïté, les plans stratégiques nationaux portaient, dès leur conception, le ver dans le fruit. Et le ver rongeait d’autant plus la racine qu’il laissait aux États membres le soin de décider à la fois de la définition des éco-régimes et du montant alloué. Les solutions proposées par l’Espagne, l’Italie, la France et l’Allemagne ont montré leurs limites.

En France, le succès rencontré par les éco-régimes s’est traduit par une enveloppe financière insuffisante, obligeant l’État à diminuer le montant initialement prévu. En Allemagne, des conditions trop restrictives ont en revanche conduit les agriculteurs à les bouder, nécessitant d’alléger les contraintes.

En tant qu’ancienne agricultrice, en agriculture extensive, également fille d’agriculteurs,  je connais bien les difficultés auxquelles peuvent être confrontés les chefs d’exploitation agricole aujourd’hui : la pression des contrôles et les risques afférents à notre métier.

Malgré toutes les précautions prises, la peur d’une production insuffisante à cause d’aléas climatiques est intrinsèque à notre activité.  À cela s’ajoutent la pression réglementaire et les contrôles tatillons de l’administration qui m’ont, souvent, empêché de trouver le sommeil.

L’analyse comparée des PSN que nous avons établie repose sur ce même constat : quel modèle d’agriculture voulons-nous pour que nos agricultrices et agriculteurs retrouvent la place qu’ils méritent au sein de la chaîne de valeur alimentaire ?

La PAC ne peut pas être une politique commune isolée, elle doit être pensée comme un ensemble, un tout. La précédente Commission a eu cette ambition. La stratégie Farm to Fork, De la ferme à la table, répondait à cette exigence, une déclinaison agricole de l’ambition environnementale du Pacte vert.

Toutefois, le respect des exigences environnementales ne peut pas peser sur les seuls agricultrices et agriculteurs. Ainsi la baisse des prix et de la demande pour les produits issus de l’agriculture biologique a mécaniquement conduit, malheureusement, à un certain nombre de « déconversions », à savoir des retours vers l’agriculture conventionnelle.

Sans débouchés assurés, sans implication de l’ensemble de la chaîne alimentaire, aucune ambition environnementale renforcée n’est possible. Or, une partie de la réglementation prévue par la Commission von der Leyen I, notamment celle relative aux systèmes alimentaires durables, est restée lettre morte. En annexe de notre communication nous avons recensé l’ensemble des textes annoncés qui n’ont pas été présentés par la Commission.

Cette ambition, la Commission semble la porter à nouveau avec le Dialogue stratégique sur l’avenir de l’agriculture, annoncé par la Commission von der Leyen I.  La Commission von der Leyen II en reprend les conclusions. Toutefois, cet engagement ne pourra rester, une fois de plus, un simple affichage.

Le règlement PSN énonçait déjà que les agriculteurs devaient retrouver leur place dans la chaîne de valeur. Pour autant, rien dans le dispositif ne permettait de leur donner cette place.

Nous avons fait plusieurs propositions en ce sens, reposant sur un socle commun : ne pas opposer revenu agricole et exigences environnementale. En effet, c’est une hérésie : l’assurance d’une production pérenne de qualité dépend d’un environnement sain.

En revanche, il faut valoriser, financièrement, l’engagement environnemental au lieu de le sanctionner. Je prendrai pour exemple le bilan comptable d’une exploitation agricole : la valeur environnementale de cette entreprise doit être prise en compte. C’est le combat que je mène depuis 2017.

Concernant les débouchés, la commande publique européenne doit prioriser dans ses achats les produits issus de l’agriculture biologique ou des circuits courts afin d’enclencher un cercle vertueux.

Concernant le droit à l’erreur, introduit par les PSN pour limiter le nombre de contrôles, il s’est traduit, à l’inverse, par un surcroît de pression pour les agricultrices et les agriculteurs. Il faut le limiter à un contrôle unique comme la circulaire prise, en France, par le gouvernement Barnier le préconise.

Concernant la réforme des aides de la PAC, pour introduire davantage d’équité, nous préconisons des mesures fortes.

Outre une augmentation significative des crédits alloués dans le prochain cadre financier pluriannuel (CFP) 2028-2035, à hauteur de 25 % du montant actuel, nous proposons de :

–  décorréler clairement le financement des exigences environnementales du financement de la PAC en créant un fonds pour une transition agro-écologique juste comme le suggère le Dialogue stratégique sur l’avenir de l’agriculture ;

  simplifier la structure actuelle de la PAC en spécialisant les deux piliers, en un premier pilier consacré uniquement au soutien aux revenus agricoles et aux mesures de marché, et un second pilier dévolu aux mesures relatives au développement rural et à l’ambition environnementale.

Concernant la réforme des aides du premier pilier, à savoir passer d’une aide à l’hectare à une aide à l’actif, elle a fait l’objet de discussions nourries entre nous. Nos rencontres tant avec les autorités que les producteurs italiens et espagnols ne nous ont pas permis de trancher entièrement la question en raison de l’hétérogénéité des structures agricoles. En effet, 55 % de la production animale et 60 % des productions végétales européennes reposent sur la production de quatre pays : la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne. 29 % des exploitations agricoles européennes représentent 52 % de la surface agricole utile (SAU) européenne, ce qui s’explique en partie par la taille de celles-ci. La surface moyenne des exploitations en Europe est de 17,4 hectares. Toutefois, ce chiffre révèle une réalité bien plus disparate : 64 % d’entre elles sont inférieures à 5 hectares, alors que 3,7 % sont supérieures à 100 hectares.

Si l’on analyse les structures agricoles des quatre États membres principaux producteurs, elles sont très hétérogènes. La France comprend 393 000 exploitations, soit 4 % du nombre total d’exploitations européennes, avec une surface moyenne de 69 hectares. Ces chiffres, publiés en 2024, reposent sur des données recensées en 2020 par le ministère de l’Agriculture. En Espagne, pour une SAU comparable, le nombre d’exploitations est le double de celui de la France, soit 915 000 exploitations. En revanche, la taille moyenne, 26 hectares, reste inférieure. L’Italie, elle, présente un modèle très hétérogène, avec un nombre d’exploitations très élevé, 1,13 million, pour une surface très inférieure à la moyenne européenne de 11 hectares. L’Allemagne a un modèle plus proche de celui de la France, avec 263 500 exploitations agricoles d’environ 63 hectares.

Passer d’un modèle de redistribution de l’hectare à l’actif serait préjudiciable pour la France sans que cela ne contribue à ce qu’André Chassaigne et moi-même soutenons : la valorisation d’un modèle d’exploitation agricole familiale à taille humaine.

Pour cela nous proposons que la Commission commande plusieurs études indépendantes pour analyser le système actuel de redistribution des aides en tenant compte de la taille des exploitations, du niveau et de la qualité de la production agricole, du nombre d’actifs présents sur l’exploitation ainsi que du renouvellement des générations.

Ces études devront également étudier comment mettre en place un système de péréquation pour tenir compte de l’ensemble de ces données et assurer un système de redistribution plus équitable.

L’inaction a un prix : la colère agricole est toujours vive. La réforme de la PAC ne peut attendre l’adoption du prochain cadre financier pluriannuel 2028-2035. Dès janvier, la Commission devra réfléchir à la création de nouvelles ressources propres pour financer un modèle agricole durable et équitable, créer un fonds pour financer la transition agro-écologique et augmenter le budget de la PAC pour soutenir les revenus agricoles. D’un point de vue pragmatique, cher André, je dirai, en tant qu’agricultrice, que l’accompli fait bourdonner plus que l’essentiel.

M. Benoît Biteau (EcoS). Les PSN sont le fruit d’une politique agricole commune (PAC) dont le grand « C » est devenu un petit « c » : la PAC est de moins en moins commune et de plus en plus nationale. Cette renationalisation est un frein : il faut ouvrir un débat sur l’opposition entre subsidiarité et solidarité.

Nous devons avancer vers une plus grande convergence : c’est à l’échelon de l’Union européenne que nous pourrons apporter une réponse d’envergure aux menaces sur la souveraineté alimentaire, à savoir le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité. Pour être efficace, l’échelon national n’est pas suffisant.

Une réforme de la PAC pourrait pénaliser l’agriculture française comme vous l’avez bien analysé. Toutefois, il faut revenir aux logiques de solidarité intrinsèques à l’Union européenne. Dans certains pays ayant récemment rejoints l’Union européenne, tels que la Roumanie, l’agriculture est paysanne, familiale et agro-écologique. On peut constater que ce modèle d’agriculture répond à l’objectif de souveraineté alimentaire.

Selon les données de la Commission, 12 % des surfaces agricoles de l’Union européenne, reposant sur une agriculture familiale, paysanne et agro-écologique, représente 32 % de la production agricole. Un soutien à ce type d’agriculture doit être apporté même s’il a un certain coût pour la France. Cela pose la question de la définition de l’actif et de la distribution des aides par unité de main-d’œuvre. Une convergence permettrait à la fois de soutenir le revenu des agriculteurs tout en prenant en compte les enjeux actuels et futurs du climat et de la biodiversité.

Si nous disposons d’une main-d’œuvre suffisante, nous avons alors les moyens d’agir pour éviter d’utiliser des pesticides ou des engrais de synthèse et produire davantage sur des surfaces plus petites. Il faut développer une véritable politique de l’emploi agricole, je suis persuadé que c’est là que réside l’avenir de la politique agricole commune.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Je reconnais votre passion pour les enjeux liés à la biodiversité. Dans le cadre de mon premier mandat, j’ai eu l’opportunité de faire un déplacement à Rome et de m’entretenir avec des membres de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Cette rencontre m’a particulièrement marquée – notamment en tant qu’ancienne agricultrice – et fait prendre conscience des inquiétudes et enjeux liés à la souveraineté alimentaire.

 La question des unités de main-d’œuvre me paraît essentielle. Pour pouvoir rémunérer ces unités de main-d’œuvre, il faut que les exploitations agricoles développent un certain chiffre d’affaires, et pour cela il est nécessaire de produire en grande quantité. Toutefois, pour pouvoir produire tout en respectant les enjeux d’une transition agro‑écologique vertueuse, il est essentiel d’utiliser des techniques mécaniques aujourd’hui très onéreuses. J’en ai fait l’expérience sur mon exploitation agricole. Les nouvelles désherbineuses nécessitent trois passages. Le coût est élevé. Le prix de la machine – entre 70 et 80 000 euros – n’est pas le poste de dépenses le plus élevé, son achat peut être communautarisé au sein d’une coopérative d’utilisation des matériels agricoles (CUMA). En revanche, son utilisation est particulièrement coûteuse : trois passages signifient trois tassements de terre, trois fois plus de gazole et de de temps de travail pour le chauffeur. Un hectare de terre est dès lors trois fois plus cher à entretenir.

Finalement, la question est de savoir comment réussir à produire suffisamment demain pour nourrir les 8 milliards d’habitants que nous sommes tout en restant vertueux. Avec cette communication, nous pensons avoir apporté quelques axes de réflexion.

M. André Chassaigne, rapporteur. Je suis convaincu qu’avancer pour une meilleure convergence au niveau européen doit être une priorité. En Pologne, les exploitations sont particulièrement petites par rapport à la France (4 à 5 hectares) mais l’État polonais a fait le choix d’une répartition sans conditionnalité environnementale. Cette problématique existe dans d’autres Etats membres tels que la Roumanie.

Tant qu’il n’y aura pas de convergence ni de contraintes européennes relatives aux objectifs environnementaux, l’évolution que vous souhaitez ne pourra pas avoir lieu : les petites exploitations familiales agro-écologiques ne font que subsister grâce à des compléments de revenus.

Lorsque nous avons auditionné l’Académie d’agriculture, le cas de la Slovaquie avait été évoqué comme exemple d’un pays comprenant des surfaces d’exploitations importantes tout en étant très vertueuses d’un point de vue environnemental. Il faut donc rester prudent : ce ne sont pas toujours les petites exploitations qui révèlent les plus grandes ambitions environnementales et vice-versa. Concernant la Pologne, je ne veux pas dire qu’il est préférable d’avoir des exploitations de 5 000 hectares mais bien qu’il existe une réelle complexité concernant les ambitions environnementales des exploitations indépendamment de la question de leur seule taille.

Finalement, je suis persuadé que la réponse se trouve dans la convergence européenne.

Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). La question de l’intégration des exigences environnementales dans la politique agricole commune constitue un enjeu majeur pour l’avenir de l’agriculture européenne. Si la conditionnalité environnementale introduite en 2003 et le paiement vert, en 2013, ont posé les bases d’une transition vers un modèle plus durable, les critiques formulées par la Cour des comptes européenne en 2017 soulignent leurs limites. En effet, ces dispositifs ont souvent été perçus comme de simples compléments de revenus sans réelle efficacité écologique.

Aujourd’hui la nouvelle PAC impose une conditionnalité environnementale renforcée avec l’obligation de consacrer 25 % des aides directes du premier pilier aux éco‑régimes. Décorréler le financement des exigences environnementales des aides directes, comme vous le proposez, semble pertinent pour éviter que les agriculteurs ne voient leurs revenus amputés au nom de la transition écologique. Dans cette perspective, la création d’un fonds spécifique dédié à la transition agro-écologique et abondé par des crédits complémentaires est une piste intéressante. Si cette approche témoigne d’une volonté de renforcer les pratiques durables, elle pose la question cruciale de l’équilibre budgétaire. Son efficacité dépendra donc de son financement réel et de sa gouvernance.

Nous sommes sensibles à votre suggestion de créer une nouvelle ressource propre pour ce fonds. Je souhaite citer les travaux de mon collègue Henri Alfandari dont la proposition de résolution européenne adoptée la semaine dernière proposait d’abonder le budget de l’Union européenne avec une ressource supplémentaire issue des marges des centrales d’achat internationales. Vous estimez pour votre part que cette ressource propre doit être issue des gains attendus en matière de politique commerciale.

Comment garantir que ce fonds ne se transforme pas en une simple annonce politique sans moyens conséquents ? Quel mécanisme envisagez-vous en matière de politique commerciale pour assurer sa pérennité et son abondement régulier afin qu’il devienne un véritable levier de transformation pour l’agriculture européenne ?

M. André Chassaigne, rapporteur. Le problème que nous rencontrons actuellement avec les éco-régimes a été soulevé par des économistes de l’Institut national de recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement (INRAE). 90 % des paysans français – j’aime bien ce terme que nous n’avons pas utilisé d’ailleurs – touchent 67 euros, c’est-à-dire l’aide minimale. Pour passer au cap supérieur avec une ambition environnementale renforcée, il aurait fallu des accompagnements financièrement plus incitatifs. Le choix opéré dans le PSN français ne crée pas l’impulsion suffisante permettant de changer de mode de production au regard des impératifs de rentabilité : il faut pouvoir vivre de son exploitation. Cela signifie que pour changer de méthode, il faut du courage politique. Il peut y avoir dans notre pays quelques organisations majoritaires qui ne tiennent pas compte de la nécessité du changement ou tout du moins sont très réticentes au fait de « déshabiller les uns pour habiller les autres ». Je crois qu’il s’agit d’un enjeu extrêmement important. Notre PSN ménage la chèvre et le chou. Nous n’avons pas voulu faire jouer les vases communicants pour parler d’une manière qui ne soit pas trop polémique. À un moment donné, il faut avoir le courage politique de mettre un coup de pied dans la fourmilière si l’on souhaite avoir des objectifs environnementaux ambitieux. Je ne suis pas partisan des accords de libre-échange. Je pense qu’il faudrait sortir l’agriculture de tels accords mais il peut néanmoins y avoir des accords de coopération. Quoi qu’il en soit, cela peut également être un levier dans la mesure où les accords de libre-échange existent déjà – même si j’ai pu les combattre – avec la possibilité de mettre en œuvre une taxation à l’importation. N’oublions pas qu’il existe encore des accords de libre-échange en cours de signature, la hotte du Père Noël n’est pas vide !

Mme Nicole Le Peih, rapporteureJ’ai bien aimé votre mot « levier », je l’ai retenu parce que l’Europe et notamment la France ont une valeur ajoutée qui repose sur la sécurité alimentaire, la traçabilité et la qualité des produits agricoles. Cette valeur ajoutée pourrait être un levier pour notre politique commerciale : sachons valoriser nos atouts et faire preuve de courage politique !

M. Laurent Mazaury (LIOT)Je tiens tout d’abord à vous remercier pour cette communication détaillée, très claire que nous avons lue avec beaucoup d’attention. Il s’agit d’un domaine dont nous ne sommes pas tous spécialistes, même si je sais qu’il y en a dans cette salle. Je vais donc poser avec humilité quelques questions. Vous nous rappelez qu’en 1981 – nous ne célèbrerons pas cette année pour les mêmes motifs chers collègues – les dépenses de la PAC correspondaient à 65,5 % du budget de l’Union européenne et qu’en 2022 le pourcentage est tombé à 23,5 %. Autrement dit en 1990, les dépenses totales de la PAC représentaient 0,54 % du produit intérieur brut de l’Union européenne et, en 2022, elles n’en représentent plus que 0,36 %. Je pense que nous avons déjà une problématique stratégique majeure. Vous en concluez dans votre proposition n°3 qu’il faut « augmenter le budget global de la PAC dans le cadre financier pluriannuel (CFP) 2028-2034 pour promouvoir une PAC ambitieuse à nouveau ». Pensez-vous que nous, Français, serons suffisamment à même de peser fortement pour que les autres partenaires européens nous suivent sur la voie de remise à niveau du budget global de la PAC et pour que la production agricole redevienne une réelle priorité pour l’Europe ? En est-elle d’ailleurs toujours une ? Nous pensons également à une autre problématique, très fréquemment évoquée par nos agriculteurs, non citée dans le rapport dont ce n’était pas l’objet, mais néanmoins essentielle, celle de la surtransposition des directives européennes dans notre droit national. Elle représente l’une des causes majeures du renoncement de nos producteurs, de la diminution du nombre d’exploitations agricoles et en conséquence du nombre de paysans – je tiens également à l’emploi de ce mot.

Nos collègues Alice Thourot et Jean-Luc Warsmann ont rendu un rapport d’information, en 2017, sur ce sujet avec des propositions intéressantes. Pour n’en citer que quelques-unes, ils recommandent de désigner les équipes responsables de la transposition dès le début des négociations sur le projet de directive, d’étendre aux assemblées la possibilité de saisir pour avis le Conseil d’État s’il apparaît que la transposition d’une directive en cours de négociation est susceptible de soulever des problèmes juridiques délicats ou encore de donner à chaque citoyen et à chaque entreprise le droit d’interpeller directement les pouvoirs publics sur les surtranspositions en vigueur dans les textes réglementaires et législatifs. Pourriez-vous nous éclairer sur ces différentes dispositions, qui je le rappelle, ont un impact particulièrement fort pour nos agriculteurs et qu’il est toujours plus difficile de lire dans les chiffres ?

M. André Chassaigne, rapporteur. Sur la transposition, j’ai commis un rapport, lors du mandat précédent, avec Jean-Louis Bourlanges, grand spécialiste de l’Union européenne, sur la transposition des directives. Pour être franc, nous n’avions pas trouvé beaucoup d’exemples de surtranspositions dans le domaine agricole. Dans le domaine de l’utilisation des produits phytosanitaires, j’ai été interpellé la semaine dernière à propos de la production de noisettes. Les producteurs français se trouvent dans une situation complexe en ne pouvant pas utiliser un produit autorisé dans le reste de l’Union européenne. Il existe donc quelques exemples. Toutefois, la surtransposition dans le domaine agricole ne revêt pas la dimension qu’on lui attribue généralement : nous avions dû faire des recherches approfondies pour en  trouver des exemples. En revanche, nous avions souligné l’importance de la méthode pour éviter les risques de surtransposition. Lors de l’élaboration d’une directive ou d’un règlement européens, les parlements nationaux ne sont pas associés en amont. Seuls les exécutifs des Etats membres travaillent sur le texte. Une fois la directive votée, elle doit être transcrite dans le droit national. Là, on rencontre le même écueil. Le gouvernement travaille sur le projet de loi de transposition sans y associer le parlement. Parmi nos recommandations, nous proposions de désigner au minimum deux députés et deux sénateurs, une fois la directive adoptée, pour travailler sur sa transposition en droit interne afin d’éviter les fameuses lois portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (DADUE) comprenant des douzaine de transpositions. De telles lois ne sont pas acceptables. Cette nouvelle méthode de travail impliquerait d’ailleurs une commission des affaires européennes entièrement consacrée à la transposition du droit européen. Désigner deux députés, majorité-opposition, pour suivre la transposition permettrait ainsi d’éviter les surtranspositions. En tant qu’ancien élu, en 2008, j’ai participé à l’adoption de la loi de transposition de la directive européenne sur l’eau dont les trop nombreuses surtranspositions nous ont été reprochées. Chaque député propose plusieurs amendements. Ceux-ci sont votés sans étude d’impact ce qui conduit à des surtranspositions. Si l’on veut résoudre cette question, il faut changer de méthode.

M. Emmanuel Maurel (GDR)Ce rapport est intéressant car il démontre le risque de fragmentation de la politique agricole commune (PAC), alors qu’un certain nombre de pays européens ont pour objectif de faire baisser son budget.

Je partage les propositions du rapport concernant la réussite de la transition environnementale, l’établissement d’un revenu décent pour les agriculteurs et la défense de la souveraineté alimentaire. Cette dernière est certes menacée par le dérèglement climatique, comme l’a souligné M. Benoît Biteau, mais elle l’est aussi par la politique commerciale de l’Union européenne. Nous avons en effet la possibilité d’être autosuffisants d’un point de vue alimentaire tant au niveau européen qu’en France. Toutefois les politiques commerciales qui sont menées nous en empêchent.

Bien que je partage vos recommandations, notamment la décorrélation des exigences environnementales du premier pilier de la PAC, l’augmentation du soutien financier dévolu aux éco-régimes, la simplification des normes, j’émets toutefois une interrogation sur la proposition n° 13 de votre rapport : « créer une nouvelle ressource propre issue des gains attendus en matière de politique commerciale pour abonder le fonds de transition agroécologique ».

Si l’on considère que l’agriculture constitue la variable d’ajustement de la politique commerciale de l’Union, ce qui est un vrai problème, il faut décider de la faire sortir du champ d’application des traités de libre-échange. André Chassaigne a précisé que plusieurs traités de libre-échange sont en cours de négociation. En effet, il y en a neuf, chacun présentant des risques pour l’agriculture, et singulièrement pour l’agriculture française. Or si l’on exclue l’agriculture des traités de libre-échange, l’origine de cette nouvelle ressource propre sera difficile à trouver.

Sinon nous pouvons proposer une augmentation des droits de douane au niveau communautaire, solution à laquelle je suis personnellement favorable. Toutefois, la Commission von der Leyen sera difficile à convaincre puisqu’elle est par définition « contre ». Cette proposition n° 13, de bon aloi, me semble donc délicate à mettre en œuvre.

On peut également envisager de la mettre en place au niveau national, mais cela semble contraire au droit de l’Union.

M. André Chassaigne, rapporteur. J’avoue mon embarras concernant cette proposition que nous n’avons pas assez travaillée sur le fond. Je l’ai précisé au début de mon intervention : nous avons tenu à produire un rapport d’étape alors que nous avions dû interrompre nos travaux du fait de la dissolution de l’Assemblée nationale.

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Notre rapport a en effet été interrompu. Initialement nous souhaitions aller en Pologne pour pouvoir étudier l’impact de la structure agricole de ce pays dans notre analyse des PSN.

Vous mentionniez la forte baisse du nombre d’agriculteurs. Pour ma part, je vois poindre une nouvelle agriculture comportant des jeunes agriculteurs performants et compétents, et ayant une autre image de l’agriculture. Ils ont des pratiques plus vertueuses, et en accord avec les valeurs sociales et sociétales. Cette nouvelle génération d’agriculteurs permettra, à mon sens, de remettre au centre du jeu la question de l’autosuffisance de l’Europe. Je pense que ce renversement se fera plus rapidement que prévu, malgré des accords de libre-échange en cours de négociation. Je reste optimiste.

M. André Chassaigne, rapporteur. Je propose que l’on retire la recommandation n°13 du rapport d’étape qui n’est pas suffisamment étayée. Je ne fais pas cette proposition parce que M. Emmanuel Maurel le suggère, mais parce que le débat que nous avons permet d’éclaircir l’impact de nos propositions.

M. le président Pieyre-Alexandre AngladeIl est assez rare d’amender un rapport depuis la tribune mais vous faites là preuve d’une grande humilité. Je vous adresse toutes mes félicitations !

M. Alexandre Sabatou (RN). Étrange endroit que la commission des affaires européennes pour discuter du plan stratégique national en matière agricole ! Est-ce un constat d’impuissance, d’échec, ou simplement le seul endroit où l’on discute d’agriculture et de la manière dont elle sert de monnaie d’échange dans les accords avec le Mercosur pour pérenniser l’industrie allemande ?

Étrange impression de voir l’hôtel de Villeroy servir de chambre d’enregistrement à une politique agricole commune qui nous voit contribuer plein pot et recevoir en retour que des miettes, et des injonctions de greenwashing bien loin de l’objectif initial de soutenir les revenus de nos agriculteurs et leur production !

Étrange politique européenne qui consiste à avoir comme but ultime le verdissement ! Concept politique fumeux qui consiste à s’auto-pénaliser à coups de normes pour mieux laisser le monde entier vendre chez nous les récoltes que l’on s’interdit de produire !

Étrange attitude de notre propre classe politique qui vote des surtranspositions mortifères afin de laver plus blanc que blanc, et court après un électorat écologiste voulant toujours plus de décroissance, d’agriculture vivrière, de forêt urbaine, et de tous ces concepts fumeux présentant la décroissance comme le nouvel âge d’or et le retour à l’agriculture d’avant la Révolution comme le but à atteindre pour le paysan 2.0 !

Ce tableau optimiste ou bien réaliste étant dressé, que mettre en œuvre pour agir ? Premièrement, entrer dans le réalisme et sortir du vocabulaire fantasmé. Je suis toujours horrifié d’entendre certaines personnes parler avec mépris des paysans, alors qu’aujourd’hui ils sont agriculteurs, chefs d’entreprise, entrepreneurs. Ces derniers sont soumis à des normes et des contrôles dont nous ne supporterions pas le dixième dans notre vie professionnelle. Je citerai les directives sur les haies, les contraintes ubuesques sur les bandes tampons le long des cours d’eau, la surveillance satellite, etc.

Il est temps de retrouver une stratégie de bon sens ne suivant plus les lubies européennes du Farm to Fork et du Pacte vert. Il est temps de se demander enfin ce qui est bon pour la souveraineté agricole et alimentaire française, l’indépendance agricole des Français et notre balance commerciale. Le logiciel stratégique entier doit changer en se déplaçant de Bruxelles à Paris, car nous devons décider pour nous et non plus subir les choix politiques de Mme Ursula von der Leyen.

Mme Nicole Le Peih, rapporteureÉtrange impression, étrange attitude, étrange réflexion ! Quand vous parlez aux agricultrices et agriculteurs, ils vous disent qu’ils sont chefs d’entreprise. Moi-même, je suis à la tête d’une exploitation comptant six salariés qui m’ont parfois empêché de dormir quand je n’arrivais pas à sortir six salaires par mois.

Les agriculteurs sont chefs d’entreprise, ils sont paysans, ils sont producteurs, ils sont transformateurs, ils sont commerçants et commerciaux. Moi, je sors de mon exploitation pour aller chercher un client. Ils sont aussi comptables. Ce panel de forces fait que les agriculteurs sont chefs d’entreprise : c’est la seule chose avec laquelle je suis en accord avec vous.

N’oublions pas qu’aujourd’hui l’agriculture française est parfois bloquée par des recours et procédures trop complexes. 22 millions de Français sont nourris simplement par les quatre départements bretons. Cela nous montre qu’on peut produire plus, qu’on peut nourrir plus, mais que parfois on est arrêté par des recours, de quelque obédience politique qu’ils viennent.

Cette impression et cette attitude, je voudrais qu’elles soient inversées. Je parle de compétences, de cette nouvelle génération qui arrive et apporte de la valeur ajoutée en termes de recherche et d’innovation. Elle vend sa marque de fabrique et permet une sécurité alimentaire qu’on nous envie partout.

Pourquoi les Chinois viennent sur Carhaix, tout près de chez moi, pour faire du lait infantile ? C’est parce qu’ailleurs il a été frelaté. Nous, nous sommes capables de le produire. Sachons vendre cette valeur ajoutée. Il faut développer cet état d’esprit partout, au-delà des frontières françaises, dans l’ensemble des 27 pays européens et pour les 450 millions d’Européens. Je reste positive, j’y crois.

M. André Chassaigne, rapporteur. Le repli sur soi au niveau agricole aurait des effets catastrophiques. Bien au contraire, il nous faut davantage de convergence. Dans le cadre d’une Europe déjà très concurrentielle, caractérisée par la recherche des prix les plus bas et la lutte sur les coûts de production, il nous faut des objectifs communs dans les domaines de l’environnement, du bien-être animal et social. Sans une approche commune sur ces trois piliers du développement durable, si l’on choisit de se concentrer sur un seul d’entre eux – l’économie, la rentabilité – on aura des distorsions de concurrence terribles. Notre agriculture et notre environnement seront massacrés, j’en suis persuadé. Les conséquences seront extrêmement graves en termes de réchauffement climatique, car nous sommes partie d’un tout. On le voit bien avec la situation de Mayotte aujourd’hui.

On doit avoir une responsabilité collective, nous sommes davantage à même de l’avoir au niveau de l’Union européenne plutôt que dans chaque pays replié sur lui-même avec des objectifs complètement différents les uns des autres.

Je vais même jusqu’à dire qu’il faut plus d’Europe dans le domaine agricole, c’est dans l’intérêt de nos paysans, de leurs revenus, de leurs productions, de la biodiversité et de notre environnement. C’est quelque chose que l’on ne peut pas perdre de vue.

Mme Constance Le Grip (EPR). Votre communication est d’une richesse et d’une densité que je salue. Vous analysez et présentez des recommandations quant aux grandes orientations de la politique agricole commune et aux futurs équilibres du cadre financier pluriannuel. Vous faites des propositions intéressantes sur lesquelles je souhaite revenir.

Vous insistez clairement sur le risque d’une Europe agricole à la carte au détriment d’une politique agricole commune fondée sur la solidarité. Ce choc entre subsidiarité et solidarité est responsable de la situation actuelle et engendre les difficultés que nous connaissons avec l’adoption par chaque État membre d’un PSN. Cette complexité est certainement pour beaucoup dans la colère ou le désespoir de nos agriculteurs.

Vous appelez à plus de convergence, à plus d’Europe avez-vous dit, monsieur le président Chassaigne. Vous avez des mots très définitifs pour exprimer tout votre scepticisme face aux velléités de renationalisation de la PAC que certains tenants d’un Frexit plus ou moins déguisé mettent en avant.

Pour en venir à vos propositions sur la simplification, vous écrivez que 23 % des agriculteurs éligibles renoncent à demander des aides de la PAC en raison de l’opacité et de la difficulté à se conformer à l’ensemble de ses exigences. La proposition n° 9, par exemple, appelle à plus de simplification, tout comme la proposition n° 4. Cela fait écho aux rendez‑vous mensuels de la simplification initiés par la ministre de l’agriculture démissionnaire Annie Genevard, avec un certain nombre de propositions déjà entrées en vigueur sur les informations télé-PAC notamment.

Comment concrètement, avec vos propositions n° 4 et n° 9, convaincre nos partenaires que c’est le chemin vers plus de simplification qui est le bon et comment le traduire sur le terrain en faveur de nos agriculteurs ?

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. On peut voir poindre une forme de scepticisme. J’en reviens à la nouvelle génération car c’est elle qui crée la valeur ajoutée. À travers les exemples que je vois autour de moi, cette nouvelle génération est pleine de ressources : elle a des diplômes différents, vient parfois de secteurs autres que l’agriculture, arrive avec des compétences commerciales et un regard neuf, une orientation plus vertueuse, en accord avec l’acceptation sociétale, une volonté d’être formée en continu.

Tout cela nous permet de modifier en profondeur l’agriculture et l’agroalimentaire. Je ne suis pas sceptique au regard de la valeur ajoutée qui va être apportée dans les années à venir. Le changement de paradigme en cours va permettre d’enrayer le déclin des exploitations agricoles. Le renouvellement des générations sera vertueux et contribuera à la souveraineté alimentaire de l’Europe.

M. André Chassaigne, rapporteur. Un économiste spécialiste de la PAC que nous avons auditionné a souligné que la France a sans doute le système d’attributions des aides le plus complexe. Pourquoi ? Parce que la France a essayé de ménager la chèvre et le chou pour faire en sorte que chacun s’y retrouve. Il a ainsi fallu fabriquer un système extrêmement sophistiqué pour que chacun puisse bénéficier de la politique agricole commune en évitant de trop faire jouer les vases communicants. La question du niveau de sophistication du système doit être interrogée.

Si nous avions eu plus de temps, nous aurions pu faire une analyse comparée de l’application des contrôles dans les différents PSN et aboutir à des propositions plus précises. Mais cette question reste liée au choix fait dans l’élaboration des plans stratégiques nationaux, j’en reste convaincu. Il faut bien avoir conscience des pressions exercées sur le ministère de l’agriculture : chacun vient défendre ses intérêts, ce qui revient à définir des mécanismes complexes pour que tout le monde puisse avoir accès aux aides de la PAC. À la fin, on ne peut obtenir qu’une usine à gaz.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Face aux mobilisations en France et en Europe, on peut trouver un certain nombre de problématiques auxquelles la PAC devrait répondre, comme l’absence de prix agricoles garantis, la complexification des normes administratives et l’intensification de la concurrence internationale également présente entre États membres. Alors que la surface agricole représente plus de la moitié des surfaces de l’Union européenne et que le changement climatique impacte la sécurité alimentaire, cette réforme devrait répondre à l’impératif de transition agro-écologique. En imposant depuis Bruxelles des normes complexes et parfois déconnectées de la réalité agricole, avec un budget en constante diminution, cette réforme n’aura fait qu’accentuer la colère agricole.

Au lieu de remettre en question sa méthode, la Commission a assoupli les règles environnementales, en mai 2024, sous prétexte de défendre l’agriculture, mais nous connaissons tous le poids au Parlement européen des lobbies qui protègent parfois plus leurs intérêts économiques que ceux de l’agriculture.

Je pense qu’il faut un second pilier ambitieux, au service de la transition agro-écologique. Mais il faut aussi revoir le premier pilier. L’aide à l’hectare a selon moi fait son temps et, aujourd’hui, pousse davantage à l’agrandissement, ce qui accentue la concurrence entre voisins au détriment du revenu paysan et des territoires. L’aide à l’hectare doit devenir une aide à l’actif, justement pour soutenir les fermes à taille humaine, comme vous l’avez évoqué. La corrélation entre aides de la PAC et taille des exploitations a en effet accéléré l’expansion de l’agriculture productiviste au détriment de ce qui fait la valeur ajoutée de la France : l’agriculture à taille humaine, créatrice d’emploi, qui valorise les territoires.

En parallèle de la chute du nombre d’exploitations depuis les années quatre-vingt-dix, notre dépendance aux importations a fortement augmenté. Veut-on continuer dans cette voie ou permettre l’installation de paysans et paysannes nombreux, pour nourrir nos concitoyens avec une production relocalisée ? Je constate en tout cas qu’il y a, parmi les futurs agriculteurs et agricultrices, une majorité qui souhaite s’installer sur des plus petites surfaces avec des productions plus diversifiées.

Pour finir, je souhaite revenir sur le PSN : il n’a jamais fait l’objet d’un vote au Parlement. Il maintient également la prédominance du premier pilier de la PAC en attribuant les aides à l’hectare au détriment de la transition agro-écologique. Pourtant, le Shift Project a révélé récemment que plus de 90 % des agriculteurs sont prêts à engager ou accélérer leur transition écologique, mais que 87 % d’entre eux estiment ne pas être suffisamment aidés financièrement dans cette transition. Preuve en est le peu d’ambition qu’on observe au sujet des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC).

Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Concernant la création d’emplois et l’aide à l’hectare, je produis de la volaille en plein air en circuit court ainsi que du blé pour nourrir mes volailles toute l’année. Je produis 35 hectares de blé l’année n, puis 35 hectares l’année n+1, et 35 hectares l’année n+2. Pour une rotation triennale, soit 35 hectares multiplié par trois, j’arrive à un total de plus de 100 hectares nécessaires pour nourrir mes volailles, dégager un revenu et rémunérer les six salariés de l’exploitation. Avec mon exploitation, dans le Morbihan je nourris une partie de mes concitoyens et je maintiens de l’emploi localement.

L’aide à l’hectare est donc importante, notamment pour favoriser la prise de conscience de la valeur du foncier, du côté vertueux de la production et de la nécessité de garder légitimement la main sur les territoires.

M. André Chassaigne, rapporteur. Je parle sous le contrôle des anciens députés européens : d’autres choix étaient possibles. Par exemple, le plafonnement des aides : certains États l’ont imposé.

M. Julien Dive (DR). L’idée initiale du PSN était louable car il s’agissait de s’adapter à la réalité nationale des agricultures. Qu’il y ait un débat sur les choix opérés par chaque PSN paraît tout à fait légitime, mais n’oublions pas pour autant cette prise en compte de la réalité. Les PSN ont été la planche de salut de la PAC avec un retour au bon sens. Quant à l’absence d’objectifs communs, elle n’est pas avérée, le PSN devant obéir à des objectifs communs en matière environnementale, sociale et économique auxquels les États membres doivent apporter des réponses. Le PSN est là pour poser un cadre commun. Il faudrait peut-être parler de « stratégie alimentaire commune » plutôt que de « politique agricole commune » puisque nous sommes face à une question de souveraineté alimentaire.

Le PSN a cependant quelques travers dont celui d’induire paradoxalement une surcharge administrative. Cela a été relevé devant le Commissaire en charge de l’agriculture, notre collègue Constance Le Grip l’a également évoqué. À une époque où la lourdeur administrative est une charge concrétisée dans les comptes d’exploitation des agriculteurs, il est important que la Commission prenne conscience que le respect des critères des PSN sur le terrain génère une lourdeur administrative pour les agriculteurs. Alors même qu’au sein de notre assemblée nous cherchons à simplifier les normes, j’aimerais savoir comment vous envisagez cette question, dans votre rapport, mais également pour la suite car je crois comprendre qu’il y aura une suite à vos travaux.

M. André Chassaigne, rapporteurLa nouvelle PAC avait pour objectif de s’appuyer davantage sur les résultats obtenus, de mettre fin à tous ces contrôles tatillons faits chaque année. Il paraissait plus utile de faire un état des lieux au bout d’une période donnée pour voir si les objectifs avaient été véritablement atteints, s’il y avait eu une évolution des méthodes de culture, moins d’utilisation de produits phytosanitaires, etc. La réalité a été différente. On peut sans doute y voir une responsabilité de l’Union européenne. Je considère toutefois qu’il existe aussi une responsabilité toute française au regard des habitudes bureaucratiques de notre pays. Prenons-la question à bras le corps sans pour autant en rabattre sur les objectifs à atteindre dans le domaine environnemental, qu’il s’agisse de la biodiversité ou de la santé des sols. La simplification est possible sans minimiser les objectifs à atteindre. Toutefois cette volonté doit être européenne parce que l’Union européenne représente un parapluie. Lorsque les contrôles sont effectués au niveau européen, ils offrent la garantie d’un versement effectif des aides. En effet, les fonctionnaires chargés des questions agricoles au niveau national peuvent parfois être tétanisés à l’idée d’accorder une dérogation quelconque par peur de redressements ou de sanctions ultérieures en provenance de l’Union européenne.

Mme Nicole Le Peih, rapporteureJe retiens le terme « tétanisé », c’est le mot croyez-moi, qui correspond à ma réaction après avoir vu le premier plan satellitaire de mon exploitation agricole. Je voyais tous les détails de ma maison jusqu’au fil à linge. J’ai trouvé cela très intrusif. À la fois je comprends la nécessité de mesurer et déterminer le périmètre des champs, même si de toutes façons on les déclare ne serait-ce qu’à l’administration fiscale. Pour éviter plusieurs contrôles, la Commission a proposé le contrôle satellitaire, qui demeure, je le répète vraiment intrusif.

M. Benoit Biteau (EcoS)En quinze ans, j’ai été contrôlé dix-sept fois. Je comprends parfaitement ce dont parle notre collègue : les contrôles sont effectivement anxiogènes. On doit progresser là-dessus.

Pour répondre à Julien Dive, on reproche aux PSN d’être allé trop loin dans la déclinaison nationale. Il faut évidemment une déclinaison nationale, mais avec un cadre européen plus précis, la disparité entre les PSN aurait été moins grande.

Si l’on prend pour exemple le plafonnement des aides : on a voté, à l’échelon européen, la possibilité de plafonner à cent mille euros les aides du premier pilier. Toutefois, on a laissé aux États membres le choix de l’appliquer ou non. En conséquence, seuls trois États membres ont adopté le principe du plafonnement. On aurait parfaitement pu imaginer rendre le plafonnement obligatoire dans le règlement PSN. Vous avez cité quatre grands pays agricoles. Je prends souvent pour exemple l’Espagne. L’Espagne a opté pour le plafonnement des aides, ce qui a permis d’alimenter les éco-régimes et d’avoir une dynamique extrêmement performante pour l’agriculture biologique. L’Espagne représente en surface agricole le quatrième pays de l’Union européenne. En valeur absolue, l’Espagne est devenu aujourd’hui le premier pays en surface consacré à l’agriculture biologique grâce au plafonnement des aides alimentant les éco-régimes.

Pour ouvrir le débat concernant les transferts entre piliers, je préfère qu’il existe des possibilités de plafonnement permettant de redéployer les aides du premier pilier vers le second pilier. En effet, dans le second pilier, les aides de l’Union européenne sont conditionnées à des financements nationaux, ce qui crée une disparité importante entre les pays riches, qui ont les moyens de les financer, et, les pays plus modestes, qui ne les ont pas.

L’éco-régime n’était pas en soi une mauvaise idée, si l’on trouvait un moyen d’alimenter l’enveloppe financière.  Le plafonnement –  moyen de financer les éco-régimes – n’a pas su être utilisé à l’échelon européen.

Je ferai une dernière remarque sur les ressources propres. On parle d’un côté de taxer les transactions internationales, et de l’autre on condamne les accords de libre-échange. Un sujet m’a particulièrement agacé : le « carbon farming ». De quoi s’agit-t-il ? Des entreprises, Total, Air France –  je ne vais pas toutes les citer, elles sont nombreuses – disposent de crédits carbones. Or, elles ont fait le choix de développer un marché privé pour stocker du carbone dans les sols agricoles. L’Europe n’a pas su être au rendez-vous en laissant ce marché privé se développer. Le carbon farming ne transite pas par les caisses de l’Union européenne. On aurait pourtant pu disposer d’un outil redoutable pour créer des ressources propres dédiées à l’agriculture en permettant de faire vivre les agriculteurs en tant qu’acteurs efficaces de la séquestration des gaz à effet de serre puisqu’ils occupent 60 % de l’espace. Nous parlons de l’avenir de la PAC, des incertitudes sur son financement, des États membres dit frugaux voulant la supprimer, alors que toutes les projections financières montrent que le carbon farming représente 120 % du budget de la PAC ! Si nous avions collecté le carbon farming dans les ressources propres cela permettait d’augmenter le budget de la PAC de 20 %. Je vous laisse réfléchir à ce que cela représente.

M. André Chassaigne, rapporteur. En définitive, vous nous donnez un argument pour rétablir la proposition n° 13. Au lieu d’asseoir le financement de la ressource propre sur les bénéfices de la politique commerciale, nous proposons que son financement repose sur les gains provenant du « carbon farming ». Je vous remercie pour cette collaboration !

M. le président Pieyre-Alexandre Anglade. Je remercie les rapporteurs pour la qualité de leur travail, et vous chers collègues pour ce long et beau débat. Je vous souhaite également d’excellentes fêtes de fin d’année.

La séance est levée à 16 heures 30.

Membres présents ou excusés

Présents. – M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Benoît Biteau, M. André Chassaigne, Mme Nathalie Colin-Oesterlé, M. Julien Dive, Mme Mathilde Hignet, M. Sébastien Huyghe, Mme Constance Le Grip, M. Laurent Mazaury, M. Alexandre Sabatou

Excusés. – M. Karim Benbrahim, M. Nicolas Bonnet, Mme Yaël Ménaché, M. Charles Sitzenstuhl

Assistaient également à la réunion. – Mme Nicole Le Peih, M. Emmanuel Maurel

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