Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour exposer sa question, no 205, relative à la reconnaissance de la mission des infirmiers libéraux.
M. André Chassaigne. Tous les pans de notre système de santé se fissurent : hôpital, services d’urgence, soins de ville. Les infirmières et infirmiers libéraux sont également en souffrance et se mobilisent partout en France. Présents sept jours sur sept et 365 jours par an au chevet des patients sur l’ensemble du territoire national, ils vivent de plus en plus difficilement le manque de reconnaissance de leur travail et l’absence de revalorisation de leurs missions. Beaucoup démissionnent, se reconvertissent, ou sont en burn-out.
Les actes infirmiers n’ont pas été revalorisés depuis plus de dix ans, ce qui a entraîné une perte de revenus d’environ 20 %. Malgré l’explosion des prix des carburants, leurs indemnités de déplacement n’ont pas été augmentées, à l’exception d’une hausse temporaire de 1 centime par kilomètre, qui n’est déjà plus en vigueur ! L’augmentation de leurs charges courantes de fonctionnement n’a jamais été prise en compte. Vous le savez aussi, la forfaitisation des soins pour les personnes dépendantes pose de plus en plus de difficultés et contraint certains professionnels à refuser des prises en charge, ce qui rend plus vulnérables encore des patients déjà en souffrance.
La pénibilité de leur métier n’est pas reconnue. En plein débat sur les retraites, qui peut nier que les infirmiers exercent une profession particulièrement exigeante, eux qui effectuent des déplacements incessants, avec 80 montées et descentes de véhicule en moyenne par jour, eux qui doivent assurer la mobilisation des patients et subissent une pression psychologique pour assurer l’ensemble des prises en charge ?
Qu’il s’agisse de la revalorisation des actes, de l’indemnisation correcte des déplacements, de la reconnaissance de la pénibilité pour un départ anticipé en retraite, les infirmiers libéraux attendent des propositions concrètes. Que répondez-vous à leurs revendications ? Que proposez-vous pour qu’ils puissent exercer correctement et dignement leur métier et mieux soigner nos concitoyens ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Le Gouvernement soutient l’implication indispensable des infirmiers libéraux, notamment dans la prise en charge des patients en perte d’autonomie. Vous l’avez souligné, ces infirmiers sont présents sept jours sur sept, 365 jours par an et ils effectuent un travail remarquable, nous le savons tous. Afin de mieux prendre en compte la spécificité de la prise en charge de la dépendance à domicile, une rémunération forfaitaire journalière adaptée à l’état du patient a été créée en 2020 : il s’agit du bilan de soins infirmiers, dit BSI. Ce dispositif vise également à améliorer la prise en charge et l’accès aux soins des patients, notamment par le développement de la coordination pluriprofessionnelle et l’investissement dans la prévention. Le BSI a connu un succès important auprès de la profession. Par conséquent, l’avenant no 8 de janvier 2022 à la convention des infirmiers libéraux prévoit un doublement de l’investissement qui lui est consacré, de 2020 à 2024, pour un montant de 217 millions d’euros contre 122 millions d’euros initialement prévus. Par ailleurs, une révision du mode de calcul des indemnités kilométriques est déjà intervenue en 2019 et l’assurance maladie a revalorisé en 2022 celles des infirmiers libéraux pour compenser la hausse du coût du carburant. Cette mesure est venue s’ajouter aux remises consenties par l’État, accessibles à tout conducteur. Plus largement, en tant qu’acteur majeur de l’organisation des soins de territoire, en raison de leurs effectifs et de leur polyvalence, les infirmiers libéraux et leurs conditions de travail occupent une place centrale dans les travaux de transformation du système de santé que nous menons avec le ministre de la santé et de la prévention, François Braun. C’est notamment dans cette perspective qu’a été lancée une mission conjointe de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) pour réingénier la formation infirmière et élaborer de nouveaux référentiels d’activités et de compétences.
Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Madame la ministre déléguée, c’est toujours la même chose. Lorsqu’on pose des questions argumentées fondées sur des cas concrets dont nous prenons connaissance sur le terrain car nous, députés, rencontrons dans nos permanences des citoyennes et des citoyens, en l’occurrence des infirmières et des infirmiers libéraux, qui viennent nous exposer leurs problèmes, les réponses du Gouvernement ne varient pas : « Tout va très bien, madame la marquise ». Vous nous parlez de bilans de soins infirmiers, de l’avenant no 8, d’indemnités kilométriques… La mariée est trop belle. Bien évidemment, nous allons décortiquer votre réponse et la profession sera en mesure de vérifier vos dires. Quoi qu’il en soit, nous ne lâcherons rien. Je me méfie beaucoup des grandes envolées car, en général, les atterrissages ne correspondent pas à ce qui est annoncé.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Monsieur le président Chassaigne, il ne s’agit nullement d’envolées lyriques. Nous savons très bien que le métier d’infirmière est essentiel au système de santé. L’année 2023 sera celle de sa refondation, qu’il s’agisse de la formation initiale et continue à repenser ou du socle des compétences à revoir. Tout comme vous, je suis sur le terrain et nous échangeons régulièrement avec ces professionnels, notamment sur ces chantiers. En ce qui concerne le fameux BSI, rappelons que sa revalorisation permet aux infirmiers et aux infirmières d’augmenter de manière substantielle leurs revenus. Des travaux sont en cours sur tous ces sujets. Faites-nous confiance.