Intervention lors de l’examen par la Commission des Affaires européennes de la proposition de résolution européenne invitant le Gouvernement français à soutenir un moratoire sur tous les accords de libre-échange non encore entrés en vigueur et à amplifier l’utilisation des clauses de sauvegarde (Mme Aurélie Trouvé)

Commission des affaires européennes – 3 avril 2024

Intervention lors de l’examen par la Commission des Affaires européennes de la proposition de résolution européenne invitant le Gouvernement français à soutenir un moratoire sur tous les accords de libre-échange non encore entrés en vigueur et à amplifier l’utilisation des clauses de sauvegarde (Mme Aurélie Trouvé).

M. André Chassaigne. Madame la Rapporteure, chers collègues,

Les députés communistes et du groupe GDR souscrivent pleinement au contenu de votre proposition de résolution européenne en faveur d’un moratoire sur la conclusion de tous les accords de libre-échange (ALE) avec leurs conséquences sur le secteur agricole.
Ce rapport revient très utilement sur les fondements de l’accélération des négociations et de la conclusion de ces accords.
Les racines du problème sont éminemment politiques. La multiplication des ALE est arrimée au mythe néolibéral des vertus intrinsèques de l’expansion du commerce international. Un mythe qui nourrit cette obsession des dirigeants européens de faire des ALE une grande priorité politique de l’Union, quels qu’en soient les impacts et les effets en particulier sur le secteur agricole, sur l’environnement, sur nos engagements climatiques, ou sur le plan social.

Cette obsession fait suite à l’échec, après 2006, des négociations de libre-échange multilatérales du cycle de Doha au sein de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et aux impasses successives à l’adoption de traités multilatéraux comme l’Accord sur le Commerce et les Services (TISA).

Il est important de rappeler que les concurrences déloyales et la pression sans précédent sur les prix avec les marchés mondiaux sont le fruit d’une continuité idéologique et politique. Une continuité libérale qui ne constitue que le prolongement des ambitions initiales de l’Organisation Mondiale du Commerce et de son mythe, celui d’un capitalisme mondialisé, spécialisé et financiarisé, et d’une société de « tout marché », supposée bienfaitrice de l’humanité.

Si ces accords sont aujourd’hui si contestés, c’est qu’ils apparaissent totalement dépassés au regard des enjeux humains et environnementaux du XXIème siècle. Ils sont déconnectés, par leur objet même, de ces enjeux internationaux prioritaires. Mais, plus grave encore, je considère que la poursuite de la conclusion de ces accords porte des logiques dangereuses qui contribueront à approfondir les conflictualités entre États ou régions plutôt que de construire des coopérations bilatérales et multilatérales qui seules peuvent permettre de répondre aux défis climatiques, environnementaux, sociaux et en matière de paix mondiale.
J’ajouterai que le principe d’un moratoire ne saurait constituer un aboutissement. Il faut substituer au plus vite à cette politique insensée, une nouvelle ambition d’accords de coopération et de maîtrise du commerce international et de l’investissement. Je rappelle au passage qu’une telle révolution copernicienne pourrait s’opérer sur le socle juridique européen actuel : l’article 217 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne autorise les accords d’association permettant à l’UE, je cite, « de conclure avec un ou plusieurs pays tiers ou organisations internationales des accords créant une association caractérisée par des droits et obligations réciproques, des actions en commun et des procédures particulières ».

Je veux donc rassurer les collègues qui ne manquent de donner des leçons de responsabilité, qu’une autre politique de coopération européenne est possible !
Commençons donc par voter cette proposition de résolution européenne qui donnerait un premier signal en ce sens.

Voir l’intégralité de la réunion de la Commission ici.

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