Intervention générale en commission du développement durable lors de l’examen de la proposition de loi visant à instaurer un moratoire sur le déploiement des méga-bassines

Réunion de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire du mardi 21 novembre 2023

A l’occasion de l’examen de la proposition de loi « visant à instaurer un moratoire sur le déploiement des méga-bassines » présentée dans le cadre de la niche parlementaire LFI, je suis intervenu en Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.
J’ai rappelé l’exigence d’un grand débat public national sur la gestion de l’eau et ses principes : bien commun, gestion publique qui en découle, exigence d’arbitrages démocratiques fondés sur la raison scientifique et un partage juste et équilibrée de la ressource, nécessité de transformer en profondeur nos modèles agricoles et la construction des échanges agricoles qui en découlent.
J’avais par ailleurs déposé un amendement sur le texte, que vous trouverez ci-dessous, demandant la conduite d’une prospective sur les conséquences du changement climatique sur la disponibilité de la ressource en eau à horizon 2050 sur les différents bassins versants français et la construction d’une planification permettant d’anticiper et d’orienter la gestion de la ressource à l’échelle du territoire, planification qui doit être fondée sur les mêmes principes de gestion publique et démocratisée notamment de l’ensemble des ressources en eau et des ouvrages hydrauliques.
Il n’a malheureusement pas pu être examiné.

M. André Chassaigne (GDR-NUPES). Il est difficile d’appréhender en deux minutes les questions soulevées par la multiplication des projets de stockage d’eau privés à vocation agricole, qualifiés par notre rapporteure de méga-bassines. Nous touchons là à la cohérence globale de notre politique de l’eau et aux objectifs que nous lui assignons.

L’examen de ce texte m’inspire deux réactions.

Premièrement, j’adresse un grand regret au Gouvernement. Nous avons besoin d’un grand débat national sur la gestion de l’eau, sur ses principes, sur les moyens à mettre en œuvre pour assurer nos besoins fondamentaux à long terme, en nous adaptant à l’accélération des effets du changement climatique. Que fait le Gouvernement ? Il se noie dans la communication politique et dans la réponse par la force. Ce n’est pas acceptable. Les conflits d’usages concernant une ressource aussi essentielle que l’eau ne s’apaiseront pas par de telles attitudes.

Deuxièmement, j’exprime une grande crainte, celle que ce refus de débattre sereinement d’un sujet aussi essentiel ne révèle d’abord un blocage idéologique. Ce débat d’intérêt national n’est-il pas d’abord entravé parce qu’il porte sur des valeurs et des principes qui sont opposés à l’orientation politique du pouvoir en place : la notion de bien commun ; le principe de gestion publique de l’eau qui en découle ; l’exigence d’un arbitrage démocratique fondé sur la raison scientifique et un partage juste et équilibré de la ressource ; la nécessité de transformer en profondeur nos modèles agricoles et la construction des échanges agricoles qui en résulte ? N’est-ce pas d’abord cela qui bloque la mise en œuvre d’une politique de maîtrise et de gestion publique de l’eau ?

À force de laisser pourrir des situations révélatrices d’enjeux aussi essentiels à notre avenir, il ne faut pas s’étonner que la représentation nationale soit contrainte de proposer des mesures d’urgence forcément limitées, comme le moratoire que la rapporteure défend aujourd’hui. Au-delà d’un simple moratoire, que nous approuverons cependant, il est indispensable que s’ouvre un grand débat sur la gestion de l’eau et ses principes, sinon ce ne sera qu’un coup d’épée dans l’eau.

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