Question d’André Chassaigne adressée au Premier ministre le 4 décembre 2024

QUESTION D’ANDRE CHASSAIGNE AU PREMIER MINISTRE SUR LA SITUATION POLITIQUE ET LA MOTION DE CENSURE

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le premier ministre, vous avez décidé d’engager la responsabilité de votre gouvernement pour imposer votre budget de la sécurité sociale. Si demain nous entrons en terre inconnue, c’est votre responsabilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS. – Exclamations sur les bancs du groupe DR.)

M. Sylvain Maillard. Non, c’est votre choix !

M. André Chassaigne. Après la dissolution brutale de juin dernier, la défaite cinglante du camp gouvernemental et le refus obstiné de reconnaître cette défaite et de nommer un premier ministre issu de la gauche, conformément au verdict des urnes ; après la nomination d’un gouvernement illégitime sous contrôle du RN, parti que vous avez cajolé jusqu’à la dernière minute ; après que vos prédécesseurs ont plongé le pays dans un déficit budgétaire abyssal, la situation est chaotique, c’est vrai, mais elle est de la responsabilité du camp présidentiel. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS. – Exclamations sur les bancs du groupe HOR.)

M. Pierre Cordier. Vous allez voter avec l’extrême droite ! Des gens que vous avez combattus toute votre vie !

M. Philippe Gosselin. Arrêtez ! Vous allez voter avec eux !

M. Jean-Pierre Taite. Vous défilez avec des gens qui veulent tuer la police !

M. André Chassaigne. La crise démocratique, sociale et économique était prévisible : elle est la conséquence d’une stratégie du chaos et de choix politiques qui balayent l’expression du peuple. Dès 2018, les gilets jaunes, violemment réprimés, n’ont pas été entendus. Pire, leurs doléances croupissent aujourd’hui dans les caves des sous-préfectures. (Applaudissement sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC. – Exclamations sur quelques bancs du groupe DR.)
La mobilisation inédite, massive et durable du pays contre votre réforme des retraites a été tout autant méprisée par le camp présidentiel. La semaine dernière encore, avec la droite, ce dernier a empêché l’abrogation tant attendue de cette réforme.
Les agriculteurs, les soignants, les professeurs, les salariés injustement licenciés, les étudiants, tous ceux qui subissent la brutalité de cette politique de régression sociale ne récoltent que du mépris. Que de mal a été fait à la France par entêtement et dogmatisme ! Nous ne fuirons pas nos responsabilités pour redonner confiance au peuple. (Exclamations sur les bancs du groupe DR. – De nombreux députés des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS se lèvent et applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. le premier ministre.

M. Michel Barnier, premier ministre. Si le président Chassaigne me le permet, je voudrais d’abord dire un mot de René Couanau, auquel vous avez justement rendu hommage, madame la présidente. Il était un député d’Ille-et-Vilaine très actif et un grand maire de Saint-Malo. Il se trouve d’ailleurs qu’il y a très longtemps j’ai été membre du même cabinet ministériel que lui – il était mon chef de cabinet auprès du ministre de la jeunesse et des sports.

Mme Élisa Martin. On s’en fout ! (Très vives exclamations sur les bancs du groupe DR. – Mme Élisa Martin fait à plusieurs reprises des gestes d’excuse.)

M. Pierre Cordier. Mais quel scandale !

M. Jean-Pierre Taite. Vous êtes la honte de la France !

Mme la présidente. Deux minutes, s’il vous plaît, monsieur le premier ministre. J’entends qu’on se respecte dans cet hémicycle. Nous parlons de la mémoire d’un homme qui vient de décéder, madame la députée. C’est scandaleux ! (Brouhaha général et prolongé. – Les députés des groupes RN, EPR, DR, Dem, HOR, LIOT et UDR se lèvent et applaudissent. – Quelques députés des groupes SOC et GDR applaudissent aussi.)

M. Pierre Cordier. Quelle honte !

Un député du groupe DR. Ce sont des voyous !

Mme Élisa Martin. Pardon, je n’avais pas compris !

Mme la présidente. Nous reprenons. Silence, s’il vous plaît. Merci de laisser parler le premier ministre.

M. Michel Barnier, premier ministre. Juste du respect et un peu plus de calme aussi. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.) Monsieur Chassaigne, il m’arrive de penser comme vous que cette Assemblée nationale a bien changé. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Quand on m’a prévenu que vous alliez me poser une question sur la situation politique je me suis pris à imaginer, dans une sorte de rêve, que le président du groupe du parti communiste – grand parti traditionnellement républicain, favorable à l’ordre et à la stabilité – allait m’apporter son soutien et que vous alliez annoncer que, dans un élan de responsabilité, vous ne voteriez pas la censure demain. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et LFI-NFP.) À l’évidence, je me suis trompé sur la finalité de votre question.
Sur la forme, je ne peux accepter que vous-même – ou M. Garot tout à l’heure – disiez qu’il n’y a pas de respect et de dialogue de la part du gouvernement.

Un député du groupe GDR. Si !

M. Michel Barnier, premier ministre. Non, depuis trois mois, nous avons exprimé le respect que nous devons – que je dois et que j’ai pratiqué – à l’égard de tous les groupes de cette assemblée, quels qu’ils soient, parce que tous, vous représentez des citoyens et êtes dépositaires d’un morceau, d’une parcelle de la légitimité républicaine.
J’ai donc du respect pour vous, comme pour tous les autres parlementaires. Le travail du gouvernement a montré ce respect, cette écoute et ce dialogue. D’ailleurs, je veux dire à M. Garot, qui a posé une bonne question, que nous sommes favorables à toutes les initiatives transpartisanes ou intergroupes, sur le sujet des déserts médicaux comme sur d’autres. Je resterai attentif à ces propositions. Voilà pour la forme, monsieur Chassaigne.
Sur le fond, tout le monde sait que la situation est difficile. D’abord, elle l’est sur le plan budgétaire – je l’ai dit dès le début en cherchant à montrer la vérité aux Français : la situation est plus grave qu’on ne l’a cru, avec une dette que tout le monde devra payer un jour. Ensuite, elle l’est sur le plan économique et social. Tout à l’heure, l’un de vos collègues parlait de la Chapelle Darblay et d’ArcelorMittal et je m’attendais à une question sur Michelin. Je suis cela très attentivement avec le ministre de l’industrie, le ministre de l’économie et des finances, ainsi que le ministre du travail. Tous les jours, nous veillons à apporter notre soutien aux salariés et aux territoires qui sont touchés. Enfin, la situation est difficile sur le plan financier. Je suis avec une grande vigilance les marchés financiers, que je connais assez bien.
Il y a une chose dont je suis sûr, retenez bien ce que je vous dis aujourd’hui : la censure dont il est question pour demain rendra tout plus difficile et plus grave. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)

M. Vincent Descoeur. Il faut accepter de l’entendre !

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