Monsieur le Président, Conformément au cadre fixé par votre courrier en date du 20 mars 2023, j’ai l’honneur de transmettre au Conseil constitutionnel les observations des députés du groupe GDR dans l’affaire – n°2023-4 RIP- proposition de loi, présentée en application de l’article 11 de la Constitution, visant à affirmer que l’âge légal de départ à la retraite ne peut être fixé au-delà de 62 ans. Observations sur la proposition de loi présentée en application de l’article 11 de la Constitution, visant à affirmer que l’âge légal de départ à la retraite ne peut être fixé au-delà de 62 ans- n° 2023-4 RIP Transmise par : M. André CHASSAIGNE, M. Pierre DHARRÉVILLE, Mme Soumya BOUROUAHA, M. Moétaï BROTHERSON, M. Jean- Victor CASTOR, M. Steve CHAILLOUX, Mme Elsa FAUCILLON, M. Sébastien JUMEL, Mme Emeline K/BIDI, M. Temataï LE GAYIC, Mme Karine LEBON, M. Jean-Paul LECOQ, M. Frédéric MAILLOT, M. Yannick MONNET, M. Marcellin NADEAU, M. Stéphane PEU, M. Davy RIMANE, M. Fabien ROUSSEL, M. Nicolas SANSU, M. Jean- Marc TELLIER, M. Jiovanny WILLIAM, M. Hubert WULFRANC, députés. |
Plus de 185 parlementaires ont déposé le 17 mars 2023 sur le bureau de l’Assemblée nationale, en application du troisième alinéa de l’article 11 de la Constitution, une proposition de loi visant à affirmer que l’âge légal de départ à la retraite ne peut être fixé au-delà de 62 ans. Cette proposition de loi, dont la recevabilité financière a été examinée le 20 mars 2023, a été transmise le même jour par la Présidente de l’Assemblée nationale au Conseil constitutionnel, signée par 161 députés et 91 sénateurs. En réponse à votre invitation adressée aux signataires de la proposition de loi, nous avons l’honneur de communiquer aux membres du Conseil constitutionnel les observations suivantes : I. La proposition de loi est conforme aux conditions fixées par les articles 11 de la Constitution et 45-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 : Vous avez été saisi le 20 mars 2023 par la Présidente de l’Assemblée nationale de la proposition de loi présentée en application de l’article 11 de la Constitution visant à affirmer que l’âge légal de départ à la retraite ne peut être fixé au-delà de 62 ans. A ce titre il vous revient de vérifier, dans le délai d’un mois à compter de cette transmission que la proposition de loi répond aux exigences fixées par l’article 45-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : 1° Que la proposition de loi est présentée par au moins un cinquième des membres du Parlement, ce cinquième étant calculé sur le nombre des sièges effectivement pourvus à la date d’enregistrement de la saisine par le Conseil constitutionnel, arrondi au chiffre immédiatement supérieur en cas de fraction ; Cette proposition de loi a bien été présentée par 252 parlementaires, donc par au moins un cinquième des membres du Parlement. 2° Que son objet respecte les conditions posées aux troisième et sixième alinéas de l’article 11 de la Constitution, les délais qui y sont mentionnés étant calculés à la date d’enregistrement de la saisine par le Conseil constitutionnel ; L’objet de l’article unique de cette proposition de loi est de prévoir que “l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite (…) ne peut être fixé au-delà de soixante-deux ans”. Il porte donc sur la politique sociale de la Nation, et relève donc bien d’un des objets mentionnés au premier alinéa de l’article 11 de la Constitution. Du reste, à la date d’enregistrement de votre saisine, soit le 20 mars 2023, la proposition de loi n’a pas pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an, ainsi que le prévoit le troisième alinéa de l’article 11 de la Constitution et le 3ème alinéa de l’article 2 de la loi organique n° 2013-1114 du 6 décembre 2013, codifié au 2° de l’article 45-2 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel. Au moment de votre saisine, le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, qui vise, notamment, à porter l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans n’a pas été promulgué par le Président de la République ; il n’était pas encore adopté par le Parlement. Il a d’ailleurs fait l’objet de votre saisine par la Première ministre, par plus de 60 députés et plus de 60 sénateurs et est encore susceptible de votre censure totale ou partielle. Elle satisfait donc à l’exigence posée tant par l’article 11 de la Constitution que par l’ordonnance de 7 novembre 1958. Enfin, aucune proposition de loi portant sur le même sujet n’a été soumise au référendum depuis moins de deux ans, conformément à l’alinéa 6 de l’article 11 de la Constitution. 3° Et qu’aucune disposition de la proposition de loi n’est contraire à la Constitution. A la date de votre saisine, la proposition de loi présentée en application de l’article 11 de la Constitution visant à affirmer que l’âge légal de départ à la retraite ne peut être fixé au-delà de 62 ans ne diminue pas les ressources publiques et n’aggrave pas les charges publiques. Elle est ainsi conforme à l’article 40 de la Constitution. En conséquence, l’article unique de la proposition de loi n’est manifestement pas contraire à la Constitution. Il souhaite trancher un débat récurrent dans le pays autour de l’âge légal par une rédaction nouvelle. II. Donner la possibilité au peuple français de pouvoir se prononcer par voie de référendum est indispensable à la stabilité de nos institutions Institué par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, le référendum d’initiative partagée est entré en vigueur le 1er février 2015, suite au décret n°2014-1488 du 11 décembre 2014 relatif au traitement automatisé de données à caractère personnel. Depuis, aucun référendum d’initiative partagé n’a pu être organisé, tant les modalités de sa mise en œuvre sont complexes. Seules trois propositions de loi ont été présentées en application de l’article 11 de la Constitution et une seule a été déclarée conforme, par votre Conseil le 9 mai 2019, aux conditions fixées par l’article 11 de la Constitution et par l’article 45-2 de l’ordonnance du 7 novembre 1958. En application de l’article 3 de la loi organique du 6 décembre 2013, le ministre de l’intérieur a ensuite mis en œuvre, sous votre contrôle, le recueil des soutiens apportés par les électeurs à cette dernière proposition de loi. Dans votre décision n° 2019-1-8 RIP du 26 mars 2020, vous avez constaté que la proposition de loi n’avait pas obtenu le soutien d’au moins un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales, ainsi que le requiert l’article 11 de la Constitution pour permettre la poursuite de la procédure devant le Parlement et, le cas échéant, conduire à l’organisation d’un référendum. Du reste, comme vous l’avez observé dans votre décision n°2019-1-9 RIP du 18 juin 2020, “la procédure reste dissuasive et peu lisible pour des citoyens susceptibles de soutenir une proposition de loi dès lors que le nombre de soutiens à atteindre est très élevé (environ 4,7 millions) et que, même dans le cas où ce nombre serait atteint, la tenue d’un référendum n’est qu’hypothétique (un examen du texte par les deux assemblées suffisant à mettre un terme à la procédure)”. Force est de constater que les parlementaires ne font pas un usage abusif de cet article 11 de la Constitution, mais surtout que le mécanisme juridique prévu pour pouvoir déclencher un référendum d’initiative partagée ressemble à une course d’obstacles de nature à décourager les espoirs d’organisation d’un référendum. Constatant que le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 arrivait au terme de son parcours législatif, les 252 parlementaires signataires de cette proposition de loi ont souhaité provoquer un référendum, demande grandissante parmi le peuple français, bon nombre de ses représentants et ses organisations syndicales de salariés, sur l’impossibilité de fixer l’âge légal de départ à la retraite au-delà de 62 ans. Depuis la présentation de la réforme du système des retraites, dans le cadre d’un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale qui prévoit des délais très contraints d’examen par les deux chambres parlementaires, jusqu’au rejet d’une motion de censure à neuf voix près, en passant par le déclenchement de l’article 49-3 de la Constitution pour faire adopter cette réforme, la mobilisation contre la réforme du Gouvernement n’a cessé de grandir et la volonté populaire dans le pays semble très nettement opposée à cette réforme. Le principe de cette réforme est l’objet d’une profonde discorde nationale, après qu’un projet de réforme des retraites a déjà échoué dans la législature précédente. Les méthodes employées pour qu’elle arrive au bout de son cheminement, jusqu’au 49-3 final ont provoqué un sentiment de rejet plus fort encore qui met en danger la confiance dans la République. Dans la période critique que traverse notre pays pour la stabilité de nos institutions, et face au risque de fracturation de notre société et de remise en cause de notre pacte démocratique, les auteurs de ces observations considèrent que le recours à l’expression de la souveraineté populaire, socle de nos institutions démocratiques et républicaines, peut nous offrir une voie pour sortir de cette crise politique. Cette expression, dans un cadre constitutionnel, à travers la possibilité d’organisation d’un référendum d’initiative partagée est désormais indispensable. Nos institutions doivent montrer leur solidité et leur capacité à permettre une gestion démocratique des tensions. Une organisation rapide de recueil des soutiens apportés par les électeurs pour demander l’organisation d’un référendum sur la proposition de loi soumise à votre vérification de conformité, suppose également, pour éviter un éventuel conflit des normes, que votre Conseil envisage la suspension de la promulgation du projet de loi de financement rectificative pour 2023 si celle-ci ne devait pas être censurée. |
Référendum d’initiative partagée – Proposition de loi et dépôt au Conseil Constitutionnel
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