Proposition de résolution européenne relative à la ratification de l’accord commercial entre la Nouvelle‑Zélande et l’Union européenne par les parlements nationaux

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Jusqu’à présent liées par un accord de partenariat sur les relations et la coopération (APRC), l’Union européenne et la Nouvelle‑Zélande ont conclu, le 30 juin dernier, un accord commercial de libre‑échange.

Cet accord est le premier à intégrer la nouvelle approche promue par la Commission européenne censée renforcer la contribution des accords commerciaux de l’Union européenne à la protection du climat, de l’environnement et des droits des travailleurs.

Il contient ainsi des dispositions sur l’agriculture durable, avec la réduction de l’utilisation des pesticides et engrais chimiques, sur la fin des subventions aux combustibles fossiles et une liste de « biens et services environnementaux » qui doivent bénéficier d’une « libéralisation préférentielle ». On y trouve encore un chapitre sur l’économie circulaire, la lutte contre la déforestation, la protection de l’environnement marin et des océans.

La Commission européenne veut croire que ce type d’accord permettra à notre continent d’exporter ses normes sociales et environnementales ou, à tout le moins, de favoriser les normes internationales en matière sociale, écologique et de droits de l’homme.

L’accord négocié entre Bruxelles et Wellington suscite pourtant bien des interrogations.

Nous ne devons pas perdre de vue, en premier lieu, que l’objectif principal de ce texte est d’intensifier les échanges bilatéraux.

L’accord pourrait ainsi augmenter la valeur des exportations néo‑zélandaises vers l’Union européenne d’un peu plus d’un milliard d’euros par an d’ici 2035, tandis que les exportations de l’Union vers l’archipel du Pacifique pourraient augmenter jusqu’à 4,5 milliards d’euros par an.

Cette logique d’intensification des échanges est en évidente contradiction avec les objectifs vertueux affichés en matière climatique.

Par surcroît, cet accord de libre‑échange suscite l’inquiétude de nos éleveurs.

Alors que la Nouvelle‑Zélande est un grand pays d’élevage ovin et bovin, elle dispose d’un marché intérieur de seulement 5 millions d’habitants contre plus de 450 millions d’habitants pour l’Union Européenne. Ce sont donc surtout les exportations agricoles néo‑zélandaises qui profiteront de cet accord.

« Où est le commerce durable quand on transporte de la viande d’agneau trempée dans de l’azote liquide par bateau pendant douze semaines pour parcourir 22 000 kilomètres ? », résumait avec pertinence, le 1er juillet dernier, la présidente de la Fédération nationale ovine, éleveuse dans le Puy‑de‑Dôme.

L’accord ne comprend pas non plus de « clauses miroirs » conditionnant toute nouvelle ouverture du marché européen au respect strict de sa réglementation en matière de bien‑être animal, de traçabilité, d’utilisation des médicaments vétérinaires et des produits phytosanitaires.

« Avec ce nouvel accord, ce sont les viandes et produits laitiers issus d’élevages du bout du monde utilisant des substances interdites en Europe comme l’atrazine, pour ne citer qu’un exemple, qui arriveront à bas prix dans l’assiette des consommateurs. Tant pis si c’est absurde, dangereux, contraire aux enjeux de souveraineté alimentaire et de durabilité pourtant présentés comme des boussoles de l’action européenne dans les prochaines années. », résumait le 1er juillet dans une lettre ouverte le président de la Fédération nationale bovine, éleveur allaitant dans le Cantal.

Indéniablement, l’augmentation du commerce agricole bilatéral entre l’Europe et la Nouvelle‑Zélande ne saurait être présentée comme une avancée écologique. Elle préfigure au contraire la signature d’autres accords de libre‑échange dans la région indopacifique, comme l’illustrent les négociations en cours avec l’Australie.

Certes l’Union européenne assure que l’accord n’autorisera les importations à des taux de droit zéro ou réduits en provenance de Nouvelle‑Zélande que pour des quantités limitées, au moyen de contingents tarifaires, sur les produits les plus sensibles qu’il s’agisse des produits laitiers ou de la viande ovine et bovine.

Il n’en reste pas moins qu’avec ce nouvel accord de libre‑échange, la Nouvelle‑Zélande bénéficiera, par exemple, d’un quota supplémentaire de 38 000 tonnes de viande ovine libres de droits de douane.

Enfin, il n’est pas prévu que l’accord soit soumis à l’approbation des parlements nationaux, la Commission européenne considérant que les dispositions couvertes par le texte relèvent de sa compétence exclusive.

Or, tant au regard de la jurisprudence de la Cour de justice de l’UE que du respect des droits des peuples, l’approbation des parlements nationaux apparaît comme une étape indispensable.

La présence dans cet accord de règles relatives aux normes de travail de l’Organisation internationale du Travail (OIT), de dispositions relatives aux subventions aux énergies fossiles, aux investissements étrangers et au règlement des différends renforce l’exigence d’un contrôle et d’un vote du Parlement français.

Nous vous invitons en conséquence à adopter la présente proposition de résolution européenne.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu l’article 5 du Traité sur l’Union européenne,

Vu les articles 2 et 4 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu l’avis 2/15 de la Cour de justice de l’Union européenne du 16 mai 2017,

Vu la résolution n° 99 (2020‑2021) invitant le Gouvernement à envisager la poursuite de la procédure de ratification du CETA adoptée par le Sénat le 15 avril 2021,

Considérant que l’accord économique et commercial entre l’Union européenne et la Nouvelle‑Zélande comprend des dispositions relatives aux investissements étrangers, au droit du travail, aux subventions d’énergies fossiles ou encore au règlement des différends, lesquelles relèvent du champ de compétences partagées entre l’Union européenne et les États membres et doivent donc donner lieu à une approbation par le Parlement national ;

Considérant que l’accord économique et commercial entre l’Union européenne et la Nouvelle‑Zélande est susceptible de porter préjudice à la politique économique, environnementale, agricole ou encore sociale de notre pays, altérant ainsi durablement le périmètre de la souveraineté nationale garantie par l’article 3 de la Constitution ;

Invite le Gouvernement :

1° À se rapprocher de ses partenaires européens et de la Commission européenne afin de faire valoir le caractère mixte de l’accord économique et commercial entre l’Union européenne et la Nouvelle‑Zélande ;

2° À refuser toute mise en œuvre de l’accord économique et commercial entre l’Union européenne et la Nouvelle‑Zélande sans approbation préalable des parlements nationaux.

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